L'Alsace a écrit :Ginestet, le fin stratège
L'arrivée de l'industriel Robert Lohr dans le capital du RCS et ses 2 millions d'euros d'investissement constituent une bouffée d'oxygène pour le président Philippe Ginestet, obligé de couvrir personnellement les déficits du club.
C'était début juin. Pour obtenir le feu vert de la DNCG (1), Philippe Ginestet était contraint de procéder à « un abandon de compte courant, avec clause de retour à meilleure fortune. » Le président du Racing faisait ainsi une croix sur 1,9 million qu'il avait injecté dans le club et devait même en sortir 400 000 de plus, histoire d'équilibrer les comptes 2006-2007. Avec, pour seule contrepartie, la garantie toujours aléatoire de récupérer sa mise le jour où le club sera bénéficiaire. « Philippe n'a pas vocation à mettre la main à la poche tous les ans », répète depuis son directeur général Jean-Luc Herzog. L'arrivée de Robert Lohr va donc offrir une grande bouffée d'air frais à l'investisseur immobilier. D'autant que ce dernier doit contractuellement rembourser fin novembre 2,7 millions aux ex-propriétaires (Patrick Adler, Marc Keller, Egon Gindorf, Pierre Schmidt et Thierry Wendling). Autrement dit, le compte courant investi par les cinq lors du rachat à Mc Cormack en mai 2003 (voir ci-contre). « Si j'ai accepté cet engagement, c'est que j'ai les moyens de le tenir », assène un Ginestet un peu agacé à l'évocation de cette échéance automnale. Ces moyens, les 2 millions déboursés par Robert Lohr contre l'achat de 20 % de la SASP (2) Racing vont les lui donner un peu plus. Car Philippe Ginestet, qui possède 70 % d'EuroRacing, la holding qui détient dorénavant 78 % de cette SASP (et non plus 98), a l'intention de les réinjecter en compte courant. Une démarche à laquelle les autres actionnaires d'EuroRacing (3) ne pourront pas s'opposer, faute de détenir la minorité de blocage nécessaire (34 %). « Je n'en avais pas l'intention », confie l'un d'eux, Dominique Pignatelli, « Philippe m'a fourni des explications qui m'ont satisfait. Il a parfaitement valorisé le club.»
Des actionnaires qui « s'autoremboursent »
Dans les faits, ces 2 millions seront directement affectés aux anciens actionnaire, puisqu'une clause du contrat de vente entre les cinq et leur successeur en décembre 2005 stipule en substance que « tout apport en compte courant issu d'une modification de l'actionnariat servira directement au remboursement » des ex-actionnaires de « Sporinvest » (la holding rebaptisée EuroRacing après la prise de pouvoir de Ginestet).
Le plus amusant dans l'histoire, c'est que trois des actuels actionnaires d'EuroRacing (Schmidt, Wendling et Gindorf) étaient aussi de l'aventure Sporinvest. Alors qu'ils auraient pu toucher directement 17,68 % des 2 millions de Robert Lohr, ils vont devoir se conformer à la décision du président et les restituer en compte courant. Vue ainsi, l'affaire a quelque chose d'ubuesque : les Schmidt, Wendling et Gindorf actionnaires d'EuroRacing vont ainsi rembourser les Schmidt, Wendling et Gindorf ex-actionnaires de « Sporinvest » pour 353 800 euros. « C'est exact, mais les 20 000 euros auxquels je pouvais prétendre (1,06 % des 2 millions) me sont acquis, même si j'ignore quand je pourrai en demander le retrait », relativise T. Wendling. Ce montage met en tout cas en lumière la fine stratégie financière d'un Ginestet qui n'aura pas à puiser dans ses fonds propres, même s'il devra encore 700 000 euros aux cinq. Le président n'en réfute pas moins cette analyse à ses yeux trop réductrice et préfère retenir une autre leçon. « En vendant 20 % de la SASP pour 2 millions, j'ai valorisé le club à 10 (Ndlr : le capital social est de 6,3) », martèle-t-il, « ça prouve que le travail accompli n'est pas si mal fait. » Il l'est même avec une habileté qui n'en finit pas d'étonner.
Qui touchera quoi ?
Philippe Ginestet s'est engagé à rembourser aux anciens actionnaires de Sporinvest les 3,2 millions d'euros qu'ils avaient déboursé en compte courant en mai 2003. L'arrivée d'un nouvel actionnaire, Dominique Pignatelli, qui a racheté en 2006 12 % des parts d'EuroRacing (5 % au printemps, 7 % en décembre), lui a déjà permis de leur verser 505 000 euros. Pignatelli a en effet payé ses 12 % 1,05 million: 525 000 euros en capital et autant en compte courant. En décembre 2006, les cinq ex-actionnaires de Sporinvest ont très exactement perçu 505 000 euros en guise de remboursement anticipé. Le détail ? 247 000 pour Egon Gindorf, 189 000 pour Eurodirect Marketing (sa société), 24 500 pour Marc Keller, 20 000 pour Pierre Schmidt, 12 500 pour Thierry Wendling et 12 000 pour Patrick Adler. Philippe Ginestet leur doit encore les sommes suivantes : 949 000 à Eurodirect, 1,236 million à Gindorf, 62 000 à Wendling, 123 000 à Keller, 98 800 à Schmidt et 60 950 à Adler. Soient 2 529 750 euros, augmentés d'environ 4 % d'intérêts annuels (202 380 euros sur deux ans, Philippe Ginestet étant entré en fonction en décembre 2005).
(1) Direction nationale du contrôle de gestion de la Ligue de Football Professionnel.
(2) Société anonyme sportive professionnelle.
(3) Dominique Pignatelli (12 %), Egon Gindorf (16,31 %), Pierre Schmidt (0,31 %) et Thierry Wendling (1,06 %).
Stéphane Godin