L'Alsace a écrit :Les doutes de Furlan
Alors qu'une majorité d'actionnaires et de dirigeants militent pour son maintien et pour une stabilité battue en brèche depuis la fin de la présidence Weller en 1997, l'entraîneur strasbourgeois s'interroge sur son avenir.
Voilà des semaines que Jean-Marc Furlan, catalogué « bon client » par les médias pour son langage fleuri, son sens de la formule et de la répartie, a abandonné son côté un rien bravache. Les bons mots parsèment encore son discours – « Je ne vais pas mettre un tutu et danser la carmagnole », disait-il jeudi lors de son point-presse hebdomadaire -, mais plus parcimonieusement qu'à l'époque où tous les feux étaient au vert au RCS. Imperceptiblement, une pointe de lassitude a fait son nid ces derniers temps chez l'entraîneur strasbourgeois. Depuis, en fait, qu'il a constaté que ses prédictions du début de saison risquaient de se vérifier. « En début de saison, après un mois de travail avec le groupe, j'ai dit à Ferhat (Khirat, le coordinateur sportif) que nous n'y arriverions pas, qu'en tout cas, le challenge serait extrêmement difficile. » Il l'a maintes fois répété, même au cÅ“ur de l'automne quand, après 12 journées et une éclatante victoire à Lille (3-0), le Racing émergeait au 6e rang avec 19 points. Il est minuit ce samedi quand le technicien bas-rhinois quitte le stade. Il vient de recevoir la visite, durant un long moment, de Robert Lohr, le capitaine d'industrie devenu actionnaire minoritaire (20 % de la SASP) il y a quelques mois. Ce dernier lui a confirmé un soutien sans faille. « La défaite 4-1 contre Caen ne change rien à ma vision des choses », disait ce dernier dans les gradins, sitôt le coup de sifflet final. « Avant le match, j'estimais que Philippe Ginestet est un bon président et Jean-Marc Furlan, un bon entraîneur, ce qui ne veut pas dire qu'il a raison sur toute la ligne. Il faut laisser du temps au temps. Je ne suis pas un grand connaisseur des choses du football, mais ce que je sais, c'est qu'il faut de la stabilité pour construire. » Des mots qui ont touché l'ancien coach de Troyes au sortir de deux relégations successives avec deux clubs différents. « Quand Philippe Ginestet, Robert Lohr, Léonard Specht et Eric Vogel me confirment leur soutien après tant de défaites, je ne peux rester insensible, même si on m'a rapporté qu'au club, tout le monde ne partage pas leur avis. » Mardi, Thierry Wendling, actionnaire minoritaire d'EuroRacing (Ndlr : il détient 1,06 % des parts de la holding propriétaire du club à 78 %), était lui aussi passé aux vestiaires pour lui assurer qu'il militerait pour son maintien.
« Je suis salement amoché »
Mais le mal-être qui a progressivement gagné son équipe s'est propagé au technicien. Et Furlan aura bien besoin des recettes de sa préparatrice mentale de compagne, Cécile Traverse, pour retrouver une fraîcheur d'esprit. « Je suis salement amoché et j'ai le moral dans les chaussettes », concède le technicien alors que les douze coups de minuit résonnent comme le glas de ses illusions 2007-2008. « Le contraire serait indécent et irrespectueux pour tous ceux qui aiment le Racing. » Depuis quelque temps, ses collaborateurs ne nient pas percevoir chez lui une indéniable usure psychologique. L'autre samedi, en rentrant de Nancy, l'entraîneur général a même retrouvé sa voiture amochée elle aussi. Avant le retour du bus du RCS, quelques excités étaient venus faire le siège de la Meinau et, malgré l'intervention de la police, avaient eu le temps de jeter quelques canettes par-dessus les grilles en direction des voitures des joueurs et du staff. Le capot de JMF n'en était pas sorti indemne. Mais plus que ces incidents ou que certaines « résistances » internes, sa quasi-certitude de ne pouvoir disposer des moyens nécessaires à la réalisation de son projet pourrait influer sur les décisions attendues ces prochains jours. Sauf, comme le réclame Robert Lohr, si toutes les composantes du club s'accordent sur un leitmotiv : « Donner du temps au temps. » Paradoxalement, on se retrouve aujourd'hui dans une situation presque inédite : le sort de Jean-Marc Furlan est au moins autant entre ses mains qu'entre celles de ses dirigeants.
Jean-Marc Furlan, vous accordez-vous un délai de réflexion sur la poursuite de votre mission au Racing ?
Oui, comme les dirigeants s'en laissent un. Quand une relégation arrive, on a toujours le sentiment que l'entraîneur est responsable. M. Lohr m'en parlait justement à l'instant (Ndlr : samedi soir) et c'est là tout mon souci : « Rester pour bâtir, oui, mais comment et avec quelle envie ? Et surtout, pour aller où ? » J'avoue que je suis en pleine réflexion. Quel est l'intérêt du Racing ? Quel est le mien ? Puis-je apporter quelque chose ?
On a le sentiment que l'environnement à Strasbourg vous pèse ?
Si vous voulez parler de la réaction du public, ce n'est pas cela. Au bout de quinze jours, après mon arrivée au Racing, j'avais dit que le challenge serait incroyablement difficile. Quand un entraîneur déclare ça juste après avoir signé dans un club, les gens pensent : « Il nous fait ch…, ce con. Il n'a qu'à gagner des matches. » Mais je me suis rendu compte au fil des semaines et des mois que le retard accumulé à Strasbourg est impressionnant. Je me retrouve ici dans la même situation qu'à Troyes.
Vous saviez en vous engageant que les moyens seraient limités ?
Oui. Et je ne regrette toujours pas d'être venu, parce que j'avais vraiment envie de continuer à entraîner en L 1. J'avais discuté avec Le Mans qui exigeait que je vienne seul, sans mon staff. Or, les membres de mon staff ont besoin de vivre aussi. Je tenais à les garder à mes côtés. Et j'étais persuadé d'être plus fort que les autres, d'avoir les clefs pour faire progresser le Racing dans la hiérarchie. J'en ai jusqu'au bout été persuadé. Heureusement, car sinon, il aurait fallu me dégager il y a longtemps.
Justement, il vous reste deux ans de contrat. Ce n'est pas anodin…
Ça ne l'est ni pour moi, ni pour le club. Quand on s'engage trois ans, c'est pour quelque chose, pour franchir un cap en bâtissant un projet qui va au-delà des résultats à court terme. Ce n'est pas anodin, non.
Quand prendrez-vous une décision définitive sur votre avenir ?
Avec le président, nous aurions voulu nous positionner rapidement. Mais avec tous les coups de bâton reçus sur la tête ces derniers temps, dont le dernier contre Caen, il faut nous laisser un peu de temps.
Stéphane Godin