DNA a écrit :Les étreintes fêlées
Alors que le Racing entame ce matin la dernière ligne droite qui doit le ramener en Ligue 1, vendredi (20h30) à Montpellier, Jean-Marc Furlan semble vouloir se diriger vers la porte de sortie. L'atypique technicien strasbourgeois, marqué par les événements des derniers mois mais déterminé à « accomplir sa mission », pourrait ainsi quitter le club la tête haute.
Décidément, Jean-Marc Furlan ne fait jamais rien comme les autres. Au moment où se dénoue le championnat, cette « extraordinaire aventure commune longue de onze mois », le Girondin est parti en week-end sur sa terre natale, histoire certainement de se changer les idées. Ses hommes entameront ainsi ce matin la semaine la plus importante de la saison sans lui. Membre du comité directeur de l'Unecatef, il fera étape à Paris pour une réunion du syndicat des entraîneurs et ne retrouvera la Meinau que mardi matin, confiant les clés de la maison bleue à son fidèle adjoint Noureddine Bouachera.
« Je suis un homme de conviction et de projet »
Vu de l'extérieur, ce choix dans les priorités peut paraître déroutant. Il est simplement à l'image de l'ex-défenseur qui aime à se démarquer dans l'impitoyable milieu du football professionnel. En bientôt deux années passées en Alsace, Jean-Marc Furlan n'a eu de cesse de cultiver la différence. Celle-ci s'exprime notamment à travers les relations quasi filiales qu'il entretient avec ses joueurs, « les seuls qui ont placé le Racing en position de remonter », à ses dires. Cela sous-entend aussi que son rôle ne serait finalement que mineur, comme il a pu l'être au printemps 2008 quand sa troupe a filé à grande vitesse vers la Ligue 2 en alimentant une hallucinante série de onze défaites de rang. « Je suis un homme de conviction et de projet, martèle-t-il. Je voulais arrêter après cette catastrophique fin de saison. Mes proches m'ont convaincu de relever le défi. Dès le premier entraînement, les joueurs ont adhéré au projet et répondu présent. Ce n'était pas le cas un an plus tôt. »
« Je veux rendre le club à la Ligue 1. Comme ça, ma mission sera accomplie »
Profondément marqué par la descente aux enfers, Furlan renaît progressivement aux ambitions, les cinq victoires consécutives en début d'exercice servant de catharsis. Mais les vieux démons resurgissent au coeur de l'hiver. Tombé à la cinquième place, le Racing ne cesse d'inquiéter. Et son entraîneur est placé sur un siège éjectable. Après un mois de doutes et de tergiversations, le président Ginestet finit par le confirmer dans ses fonctions, début février, au lendemain du nul arraché à la Meinau contre Brest (2-2). Un pacte entre les deux hommes est alors scellé : soit l'intéressé ramène l'équipe en L 1 et il aura le choix d'honorer sa troisième année de contrat, soit il échoue et il quittera le club sans demander d'indemnités. Furlan a, semble-t-il, considéré ce deal comme un désaveu cinglant. « Soit je suis bon, soit je ne le suis pas, dit-il. Mais ça ne peut pas changer du tout au tout en trois mois. Je veux rendre le club à la Ligue 1. Comme ça, ma mission sera accomplie. » Depuis vendredi et la victoire contre Reims (3-2), le propos est devenu encore plus explicite. Après une sortie verbale « furlanesque » à la fois mystique et philosophique avant le match - « le joueur ne doit pas laisser vaquer son esprit, s'il se balade dans les couloirs du temps, il devient spectateur (...) » -, le coach a laissé plané le doute quant à son avenir. Dans les couloirs de la Meinau, son discours s'est apparenté à une tournée d'adieux. Devant les caméras, il a ainsi loué « l'entraide, l'esprit de camaraderie et le travail au quotidien exceptionnels » de ses troupes, rendu un hommage vibrant aux cadres que sont Lacour et Cassard, évoqué avec nostalgie ses « deux merveilleuses années passées en Alsace. » Avant d'ajouter, de manière catégorique : « Pour envisager la suite, il faudra parler en adulte et en responsable de projet. » Si l'issue venait à être heureuse vendredi à Montpellier, le terrain astucieusement balisé par Furlan pourrait aussi servir de décor pour reprendre la main. On sait par exemple que les relations entre l'entraîneur et le directeur général, Jean-Luc Herzog, sont parfois tendues, celles avec la cellule recrutement étant proche du néant. De là à penser que l'intéressé revendique du changement, il est un pas qu'il se refuse à franchir.
« Il ne faut pas empiéter sur mon autonomie, mon rôle et mon statut »
« Je n'ai pas la prétention de dicter mes choix, mais il y a une forme de gouvernance qui ne peut pas me convenir, précise Furlan. Il ne faut pas empiéter sur mon autonomie, mon rôle et mon statut. Et ce n'est pas parce qu'on monte que l'avenir sera assuré. Si on ne prend pas les bonnes décisions, l'accession pourra s'apparenter à un énorme oeuf de Pâques, tout beau, bien empaqueté, mais qui est complètement vide à l'intérieur. » S'il assure que sa décision n'est aujourd'hui pas arrêtée, sa liberté retrouvée dans le ton laisse penser que la porte de sortie est désormais proche. Les récentes déclarations de Philippe Ginestet, qui s'inscrit « dans une dynamique positive » et reste persuadé que « l'aventure se poursuivra en cas de montée », ne devraient rien y changer. Au moment de trancher, l'entraîneur assure qu'il prendra la température auprès de ses hommes : « Les joueurs comptent beaucoup pour moi et, je pense, sur moi. On leur posera la question. Au club, beaucoup de gars attendent de connaître ma décision avant de se positionner. » Jean-Marc Furlan ne fait rien comme les autres, on vous l'a dit.
Sébastien Keller