L'Alsace a écrit : Mbongo prend ses marques
Auteur de 17 buts en National en 2009-2010 avec Luzenac, Tristan Mbongo a raté ses débuts au Racing et est le premier à en convenir. Mais à Bastia, il s’est montré en progrès et espère bientôt rendre la confiance que Laurent Fournier lui accorde.
C’était il y a tout juste deux ans. « Obscur » joueur amateur de CFA sous le maillot de Luzenac, qu’il venait de rejoindre pour une opération maintien vite muée en pari gagné de l’accession en National, Tristan Mbongo était postier. « Je livrais les colis le matin et m’entraînais l’après-midi. » À l’époque, le jeune homme natif de Kinshasa, en République démocratique du Congo (comme un certain Peguy Luyindula), arrivé à l’âge de cinq ans avec ses parents du côté de Toulouse, n’imaginait même pas rejoindre un monde professionnel sur lequel il avait fait une croix.
Pourtant, cet été, Laurent Fournier est allé le chercher à Luzenac, séduit par cet attaquant de couloir gauche auteur de 17 buts en 2009-2010 pour sa découverte du National. « Il se pose beaucoup de questions, se demande s’il a le niveau », disait le coach l’autre jour, « je dois sans cesse le rassurer. Mais quand il aura franchi ce cap, vous verrez que c’est un bon joueur. »
Samedi à Bastia, l’ancien attaquant de Colomiers ( « j’y suis arrivé à 17 ans après avoir joué dans plusieurs petits clubs et suis monté d’excellence de district en DH »), Toulouse Fontaines (CFA 2 pendant une saison), Albi (CFA, de 2005 à 2008) et Luzenac a failli lui donner raison. Il s’est crée trois occasions et, à défaut de les convertir, a affiché un net regain de forme. Il attend maintenant le véritable déclic : un premier but.
Tristan, vous sortez d’une semaine compliquée, avec des coups de fil d’intimidation venus de Corse parce que vous n’aviez pas signé à Bastia cet été…
Oui, une trentaine ou une quarantaine, à partir du mardi. Ça n’arrêtait pas. Mais sur le terrain, il ne s’est rien passé.
« J’ai nourri un complexe d’infériorité »
A Furiani, vous avez eu un autre aperçu de ce monde professionnel que vous découvrez à 27 ans ?
Malgré mon âge, ça a été un gros changement pour moi. Il y a deux ans, je livrais les colis à la poste le matin et m’entraînais l’après-midi. J’avais renoncé à un parcours professionnel depuis longtemps. Mais avec ma bonne saison passée, plusieurs clubs m’ont contacté : Bastia, Strasbourg, mais aussi Grenoble et Troyes. Au Racing, le discours du coach était clair et précis. J’ai fait le bon choix. Si j’avais réalisé les mêmes débuts sous le maillot bastiais, j’aurais déjà dû plier bagages (rires).
Comment expliquez-vous ces premiers pas délicats ? Laurent Fournier dit que vous vous êtes posé beaucoup de questions…
La situation a été dure à vivre. J’ai vécu un long moment à l’hôtel, sans contrat homologué. Le mois de juillet a été pénible dans la tête. Surtout, je me suis mis trop de pression. J’ai nourri un complexe d’infériorité, parce que je venais du monde amateur. En mai, je suis passé d’un statut à un autre et ma vie a changé du tout au tout : j’ai signé au Racing, ma fille est née et j’ai honoré ma première sélection avec la République démocratique du Congo.
« Interdit de perdre contre Colmar »
L’incertitude qui a entouré l’homologation de votre contrat a-t-elle influé sur vos performances ?
Honnêtement, non. C’est le changement de monde que j’ai eu du mal à digérer. En amateur, tu es insouciant. Tu viens au stade, tu joues au foot, tu fais la fête et tu rentres chez toi. L’argent circule peu. Tout est différent dans le milieu pro. J’ai conscience de n’avoir pas été bon lors de mes deux premiers matches. A Bastia, j’ai au moins montré quelque chose. J’ai eu des occases. C’est juste frustrant de ne pas les avoir mises.
Le coach vous soutient. L’autre jour, Stéphane Pichot disait que vous étiez un bon joueur et qu’il fallait juste vous laisser un peu de temps. Ces marques de sympathie vous aident-elles ?
Oui, bien sûr. Stéphane et Julien (Outrebon) sont toujours là pour m’encourager, le staff aussi. Partant de là, je ne peux que me remettre en question et m’accrocher à l’entraînement. Après tout, je jouais l’an dernier au même niveau. Ça va revenir, j’en suis sûr.
Samedi, le Racing reçoit Colmar pour un derby très attendu. Très risqué pour votre équipe aussi…
Je ne suis pas d’ici, mais j’ai déjà saisi l’importance de ce match. Depuis plusieurs jours, les supporters nous disent : « Interdit de perdre contre Colmar. » Ça va être chaud, d’autant que les Colmariens, qui évoluent désormais au même niveau que le grand voisin Strasbourg, vont tout faire pour gagner, s’offrir la suprématie régionale et nous enfoncer, puisqu’ils connaissent tous les soucis extrasportifs que le Racing a rencontrés. Aujourd’hui, il nous manque des points, c’est une évidence, et ce derby est un premier vrai tournant. Il faut gagner.
Recueilli par Stéphane Godin