Au paroxysme du délire
Le président du RCS Jafar Hilali a lancé hier une charge surréaliste contre l’association support : il annonce pêle-mêle qu’il va l’attaquer en justice, s’opposer à l’accession éventuelle de la réserve en CFA, mais aussi refuser de garder le statut pro si le club reste en National et de faire signer les jeunes du centre de formation.
L’actionnaire londonien Alain Fontenla, disparu depuis du devant de la scène, avait qualifié il y a plus d’un an Strasbourg de « zone de non-droit » et reproché aux actionnaires minoritaires alsaciens « des méthodes de mafieux. » Plus récemment, son comparse, le président Jafar Hilali, avait suspecté publiquement les administrateurs de l’association support RCS foot « d’abus de biens sociaux » qu’aurait couverts le commissaire aux comptes Jean-Brice de Turckheim (1).
Les Londoniens pouvaient-ils aller plus loin dans la provocation ? À l’évidence, oui. Jafar Hilali, dont « L’Alsace » écrivait hier qu’il était « financièrement aux abois et visiblement disposé à entraîner tout un club par le fond », a donné tout son sens à cette analyse par le biais d’un courrier adressé mercredi à 23 h 49 à Patrick Spielmann, le président de l’association.
Cette lettre vengeresse, publiée dans son intégralité ci-contre, a « interloqué » (dixit Spielmann) tous ceux qui en ont pris connaissance. Il en ressort que le propriétaire londonien, qui, pour la première fois, avoue « avoir fait le deuil de son investissement » au Racing, est disposé à mener jusqu’au bout son « opération mains propres », titre ahurissant donné au mail envoyé à Patrick Spielmann. Il se prépare à assigner en référé l’association pour qu’elle restitue « tout l’argent » qu’il l’accuse de devoir à la SASP (2). Autrement dit : les 3,188 millions qu’il réclame depuis deux semaines (nos précédentes éditions). Si son référé échouait, il engagerait alors une procédure pénale — forcément longue — pour juger le fond du différend qui l’oppose à l’asso. A-t-il seulement le temps d’attendre ?
Pour la première fois officiellement aussi, Jafar Hilali annonce vouloir « refuser de garder le statut pro en cas de maintien en National et refuser que l’équipe 2 accède au CFA. » Une dernière menace toute théorique. Car encore faudrait-il, pour la mettre à exécution, que la réserve soit en position de monter en fin de saison et que l’équipe pro accède dans le même temps à la L 2. Si cette dernière devait rester en National, sportivement ou administrativement après son passage devant la DNCG fin mai, la formation de François Keller serait de toute manière interdite d’accession.
Évidemment, Patrick Spielmann a « pu apprécier la gravité » de cette charge à l’artillerie lourde. Peu enclin à la commenter à chaud, il met cependant en lumière les sombres desseins du propriétaire londonien. « Jafar Hilali annonce pratiquement la mort du club et du centre de formation. C’est gravissime. Il va chaque jour plus loin. Il pense tromper le public en se posant en victime, mais je ne crois pas que les gens soient si naïfs. Surtout, il ne suffit pas qu’il affirme que dorénavant, le foot va se jouer avec un ballon ovale pour qu’on change les règles du jeu. »
Certains de ses administrateurs sont moins diplomates. « Hilali est en train d’essayer de tout foutre par terre », stigmatise l’un d’eux, « Sa sortie est un énorme coup de poker qui a le mérite d’être clair. Est-ce une forme de gestion par la terreur ? Je ne sais pas. Mais je n’ai pas peur. Ce qui est sûr, c’est que bientôt, les hommes de loi vont prendre le relais et nous éclairer sur notre capacité et notre façon de réagir. S’attaquer aux enfants du centre n’est pas digne. »
« C’est inadmissible », lui fait écho Thierry Wendling, actionnaire minoritaire représentant de l’association au conseil de surveillance de la SASP. « Que Hilali veuille défendre ses intérêts, après tout, c’est logique. Mais il n’a pas le droit de prendre en otages les gamins. Il sait qu’il est en train de perdre la partie et applique la politique de la terre brûlée, au moment même où l’équipe joue chaque semaine des matches à quitte ou double pour l’accession. Tous les acteurs concernés par le centre (Région, Département, CUS, Ville, Ligue d’Alsace), qui est un lieu de vie et d’éducation, doivent se réunir autour d’une table pour dégager une solution rapide. Nous ne pouvons pas rester à la merci de quelqu’un, Hilali ou un autre, qui joue avec la vie du centre, de ses salariés et ses gamins. »
Dans la droite ligne d’un Léonard Specht qui invite « à prendre beaucoup de recul, parce que c’est trop grave », l’adjoint strasbourgeois aux finances, Alain Fontanel, se contente d’une déclaration a minima. « Je pense préférable de prendre le temps de réfléchir. Tout le monde peut juger. Les gens n’ont pas besoin d’un qualificatif de ma part pour se faire une opinion. »
Depuis un an et demi, certains acteurs du dossier Racing ont souvent ménagé la chèvre et le chou avec Hilali et consorts. Ils découvrent aujourd’hui que la chèvre n’est autre qu’un taureau en furie, rouge de colère d’avoir perdu trop de sous et prêt à piétiner le chou avec ses gros sabots.
DNA a écrit :L’ombre du néant
À quelques heures d’un match crucial dans le Var, les conflits en coulisses ont pris une tournure très inquiétante au Racing. Entre le président du club, Jafar Hilali, et celui de l’association support, Patrick Spielmann, les échanges ont pris une tournure destructrice.
Entre la Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP) et l’Association, le Racing n’en finit pas d’observer ses torchons brûlés. L’incompréhension s’est muée en haine. La « guerre ouverte », dont Jafar Hilali a pu parler dans ses colonnes, livrée contre Patrick Spielmann, est bel et bien déclarée.
De chaque côté, on se réclame des sommes conséquentes. On s’affirme dans son bon droit. Dans tous les cas, le club-phare strasbourgeois ressemble ces temps-ci à un ring de boxe.
Le président de la SASP n’a pas pris de pincettes dans le courrier adressé mercredi à son homologue de l’association. « Je vous annonce qu’au lieu d’une nouvelle réunion, vous devriez payer immédiatement tout l’argent que vous devez à la SASP, que vous devriez prévenir les parents des joueurs du centre que nous ne signerons plus aucun contrat avec leur enfant avec ou sans montée en L2, qu’en cas de maintien en National, nous refuserons de garder le statut pro, que nous allons contacter la ligue pour refuser que notre équipe en CFA2 puisse accéder à la CFA […].»
Cela ressemble bigrement à une politique de la terre brûlée. « Il faut bien comprendre que j’ai fait le deuil de mon investissement […], conclut Hilali. Je tenais enfin à vous dire que c’est le dernier appel que je vous fais. »
Parallèlement - encore que -, Jafar Hilali devait être présent en Alsace, aujourd’hui. Pour des raisons personnelles, il ne sera pas à Colmar alors que l’affaire qui l’oppose au commissaire aux comptes, Brice de Turckheim, dont le président remet en doute le travail, devait connaître un nouvel épisode.
Autant dire que l’ambiance parmi les dirigeants du Racing reste détestable et l’avenir du Racing s’annonce franchement incertain. Dans ce cadre, la bande à Fournier prend les allures d’arbre qui cache une forêt qui brûle. Toujours en lice pour la montée, à trois points du podium mais avec un match de moins à disputer, elle reste relativement digne dans ses résultats au regard de l’environnement. Une forme de tension a pu être palpable, hier, à l’entraînement. Le directeur général, Christophe Cornélie a jeté un bref coup d’œil à une séance. A l’écart de son groupe, Laurent Fournier est apparu contrarié. Renseignements pris, c’est le retard de certains de ses joueurs qui ont provoqué sa mauvaise humeur.
« Il nous reste un mois et demi à vivre ensemble »
« Il y en a qui se permette d’arriver à 9 h 33, 9 h 34, ils sont sans doute trop bons », a lâché ironiquement le coach. En fait, l’entraîneur du Racing se refuse à relâcher la pression sur ses joueurs alors que dix matches seulement restent au programme.
« Il nous reste un mois et demi à vivre ensemble, poursuit Laurent Fournier. Si on arrive à monter, ce sera un exploit. Là, on entre dans une période où il va y avoir des sollicitations. Mais il faut faire les efforts. Parce que si le club ne monte pas, si le club dépose le bilan, ils seront quelques joueurs sur le carreau. Pour beaucoup d’entre eux, leur avenir se joue aujourd’hui. » L’entraîneur ne veut pas que ses protégés gâchent la possibilité de consacrer leur saison.
Pour continuer à rêver d’échelon supérieur, il s’agit de bien négocier le voyage dans le Var. Le départ est prévu ce matin. Un dernier entraînement est programmé cet après-midi, à Fréjus. Le staff technique cogite encore sur la meilleure façon d’aborder le rendez-vous.

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