

L'Alsace a écrit :Boka : « Je veux partir »
Auteur d'un doublé décisif avant-hier contre Montpellier (2-0), le latéral gauche du Racing n'a pas changé d'avis depuis la Coupe du monde : il aspire à quitter l'Alsace.
C'était le 10 juin à Hambourg. La Côte d'Ivoire venait de s'incliner contre l'Argentine (2-1) pour son entrée dans le Mondial. Le latéral strasbourgeois des Eléphants, Arthur Boka, n'avait pas caché son mal-être : « J'ai passé de très bons moments à Strasbourg. Mais aujourd'hui, je ne m'y sens pas bien », avait-il lâché, « Je n'ai pas envie de rejeter la faute sur tel ou tel, mais pas mal de gens sont à l'origine de ce mal-être. » Deux mois plus tard, l'international ivoirien campe sur ses positions. Sanctionné la semaine dernière pour avoir « séché » le décrassage au lendemain du premier match contre Dijon, double buteur avant-hier face à Montpellier, il espère rejoindre un club à la hauteur de ses ambitions. Et en profite pour dévoiler la partie immergée de l'iceberg, celle qui guide vraiment ses envies d'évasion.
Arthur, vous aviez exprimé en Allemagne votre désir de quitter le Racing. Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui ?
À peu près le même. Il y a un très bon groupe au Racing, un nouveau staff avec lequel je m'éclate. Mais ce que j'ai vécu l'an passé ici m'a tellement marqué que j'aspire à vivre une nouvelle aventure.
Jean-Pierre Papin vous a pourtant sanctionné en vous envoyant la semaine dernière en CFA…
Il m'a sanctionné parce qu'il veut montrer aux autres que chacun doit respecter le groupe. Nous nous sommes fait la gu… pendant une semaine, mais nous avons retrouvé le sourire. C'est quelqu'un d'ouvert grâce à qui le groupe vit bien.
Pourquoi vouloir partir alors ?
Si je pars, ça me fera mal au coeur. La plupart des supporters m'aiment bien, même si certains me critiquent parce que je suis un fêtard, un flambeur.
Ce n'est pas vrai ?
Je ne dis pas le contraire. Mais j'ai 23 ans. N'est-ce pas de mon âge ? Oui, il peut m'arriver d'être en retard à l'entraînement. Mais quand il faut se bouger le c… le samedi, je suis toujours là . Si je ne suis pas bon pendant le match, alors, oui, j'accepte que l'on me casse. À mes yeux, seule compte la vérité du terrain.
« J'ai onze personnes à charge »
Votre escapade en fin de saison dernière (Ndlr : il avait « disparu » lors de la dernière semaine de la saison) n'avait été que très modérément appréciée au club…
Contrairement à ce que certains ont dit, je n'ai pas disparu. Le coach (Jacky Duguépéroux) savait bien où je partais et pourquoi. Il m'avait donné une journée, mais il savait que c'était insuffisant. J'ai été confronté à l'hospitalisation de ma fille à Nantes et je me devais d'être là -bas. En plus, nous étions déjà relégués. Je n'ai pas fui. Après cette affaire, j'étais devenu indésirable. Mais en trois ans, hormis l'autre jour après Dijon, je n'ai pas raté un entraînement complet, malgré quelques retards. Sur la pelouse, je ne triche pas. Pour le reste, je ne nierai pas que mon comportement n'est pas toujours parfait. Je fais des bêtises, oui. Mais bon, je demande un peu d'indulgence.
Difficile d'en accorder à un professionnel, non ?
Les gens doivent savoir une chose : aujourd'hui, j'ai onze personnes à charge. Mes parents sont au chômage en Côte d'Ivoire. Ils sont aujourd'hui les premiers à me mettre la pression, à me pousser à partir, à me dire qu'il est inconcevable que je joue en L 2 après avoir disputé la Coupe du monde, que je mérite une autre vitrine. Ma soeur et mon frère vivent ici chez moi. Je dois m'occuper de ma fille, de sa mère. Je gère une grande famille. A 23 ans, je me retrouve confronté à des problèmes qui surviennent en général bien plus tard dans la vie. Les supporters disent qu'en partant, je les trahirais. Mais ils ne savent pas tout ça. En ce moment, ça me mine. Ça pourrit ma vie.
« Un salaire six fois supérieur »
Où en sont vos discussions avec Strasbourg ?
Lors de la journée des supporters, le 23 juillet, le président Philippe Ginestet m'a dit que nous devions discuter ensemble. Depuis, j'attends en vain. Et je viens d'apprendre ce matin (hier) qu'il est parti dix jours en vacances. Il cherche à gagner du temps avant la fin du mercato (le 31 août). Son départ va nous faire perdre dix jours de discussions. C'est un comportement qui conforte mon envie de m'en aller. Il ne me montre pas qu'il souhaite me conserver, comme il l'a pourtant fait avec d'autres. Je sais que Jean-Pierre Papin compte sur moi, mais il n'a pas de pouvoir de décision. Le président, qui dirige et décide tout au club, sait que j'ai des sollicitations. Jusqu'ici, tout ce qu'il a fait pour moi, c'est de baisser mon salaire de 20 % avec la relégation en L 2. On me demande d'être respectueux. Mais ça, n'est-ce pas un manque de respect ? Ça m'énerve. Je ne suis pourtant pas allé au bras de fer. Après mes vacances, j'aurais pu rester en Côte d'Ivoire et attendre que ça se décante, comme Karim (Haggui) l'a fait ( 1 ). J'ai préféré revenir à Strasbourg participer à la préparation et aux matches amicaux, discuter aussi. Résultat : je n'ai toujours vu personne.
Les sollicitations sont-elles si pressantes ?
J'ai eu l'Espanyol de Barcelone au téléphone il y a quelque temps. Ses dirigeants me proposaient un salaire brut six fois supérieur à ce que je gagne à Strasbourg. Trois fois plus en net d'impôts là -bas qu'en brut ici. Financièrement, quand on est dans la situation familiale qui est la mienne, ça fait réfléchir. Le prix demandé par Strasbourg (3 millions) a fini par lasser le club espagnol. Aujourd'hui, Hambourg se manifeste (« L'Alsace » d'hier). Que les supporters ne m'en veuillent pas. J'aimerais rester. Je suis attaché à Strasbourg. Mais si un club d'un championnat exposé veut me recruter, comment pourrais-je refuser ? Qui n'aurait pas envie de jouer dans ces clubs-là ? Le coach, qui a évolué à l'OM, au Milan AC et au Bayern, est le premier à l'avoir fait. Pour moi, jouer en L 2 est une régression. Je veux porter haut le nom de mon père.