DNA a écrit :L’ombre de la mort
Majorité et opposition ont tiré la sonnette d’alarme, hier, devant la situation du Racing. En même temps, elles ont été contraintes d’admettre leur impuissance.
Cadichon, Simbad, Gribouille et quelques autres noms ont nourri le débat, au conseil municipal. Il s’agit de suggestions envisagées pour renommer des rues et des squares, dans le quartier de Hautepierre. Pour la voie qui longe le plus grand stade strasbourgeois, il faudra peut-être militer pour que la rue de l’Extenwoerth soit rebaptisée avenue de la Grande-Faucheuse. Dans l’interpellation de Jean-Emmanuel Robert, l’élu de l’opposition, comme dans les réponses apportées par Alain Fontanel, l’adjoint en charge des finances et en première ligne sur l’épineux dossier Racing, l’idée d’une disparition a régné.
« C’est toujours la même opacité »
Le club strasbourgeois, 106 années d’existence au compteur, reste malade, divisé, écartelé après être passé par les pires épreuves, notamment la liquidation judiciaire de l’été dernier. Et il n’en finit pas de tomber. « Nous pensions que tous les passifs avaient été soldés, a regretté Jean-Emmanuel Robert, et c’est toujours la même opacité. Les collectivités ont dépensé sept millions d’euros depuis 2009. Nous disons aujourd’hui, ça suffit. » Le Racing ressemble à un puits sans fond, où la dépense se perd comme pour irriguer les plus pathétiques inimitiés.
Elles concernent Patrick Spielmann et Frédéric Sitterlé aujourd’hui. Elles en ont divisé d’autres hier. Que faire pour que de nouveaux épisodes tout aussi désastreux ne ponctuent la suite ? On peut douter que “l’Osterputz” (*) réclamé par l’élu de l’opposition ne constitue la solution. « La réunion de mardi ( qui a permis aux élus d’entendre Patrick Spielmann et Frédéric Sitterlé) a achevé de nous convaincre qu’il faut tout revoir de fond en comble », a poursuivi Jean-Emmanuel Robert. Mais pour faire quoi et comment ?
La Ville et la CUS participent pour plus de moitié du budget. Cela ne l’autorise pas pour autant à jouir des pleins pouvoirs. « Nous devons respecter un cadre juridique », a rétorqué Alain Fontanel, critiqué par ses adversaires politiques pour ses incantations avant de marteler : « Il faut trouver une sortie par le haut. Il faut remonter en CFA sinon il n’y aura plus de Racing. Sans la Ville et sans la CUS d’ailleurs, il n’existerait plus. » Doit-il continuer à exister, même si « personne ne vit sur la bête alors que personne n’a mis un rond », selon Robert Grossmann, qui a tonné comme à son habitude ? « Que proposez-vous pour qu’on n’aille pas à la catastrophe ? », s’est encore interrogé l’ancien président de la CUS.
Le Maire s’en est tenu à une volonté générale, unanimement partagée, de « maintenir l’espoir que le club puisse ressusciter ». En gros, le Racing est sous assistance respiratoire. Aucun élu ne prendra la responsabilité de débrancher la machine. « Cela signifierait un stade vide, avec un coût d’entretien exorbitant, pour rien », constate Alain Fontanel. Ce dernier en a appelé au sens des responsabilités de chacun. Jean-Emmanuel Robert n’a pas pris son contre-pied. Il a simplement constaté que, « si le déficit n’était pas comblé en fin de saison par Sitterlé, c’est la DH qui nous attend ». En l’occurrence, il est plutôt optimiste. Il s’est questionné sur « l’utilité d’un centre de formation ». Il a dressé un tableau sans concession de la situation avec trois alternatives, le pouvoir aux historiques, le club à Sitterlé ou l’arrivée d’un nouveau repreneur. « La convention signée entre la SAS (la société par action simplifiée) et l’association devrait clarifier la situation », a modéré Alain Fontanel.
« C’est un véhicule à bout de souffle »
En attendant, une opposition acérée a dressé un portrait sans concession du souffreteux : « Tous les acteurs du dossier croient que le Racing est une Formule 1 alors que c’est un véhicule à bout de souffle (…) dont seul le klaxon fonctionne ». Ça tombe bien : l’adresse de la casse la plus connue se situe à la Meinau.
(*) : soit le nettoyage de Pâques
François Namur
L'Alsace a écrit :« Une sortie par le haut »
Que la crise actuelle se solde par la prise de pouvoir effective de Frédéric Sitterlé ou son départ, imminent selon certaines sources, les élus strasbourgeois ont appelé hier en conseil municipal à un cessez-le-feu qui préserve l’intérêt d’un RCS en route vers l’accession en CFA. La Ville a commandé un audit indépendant pour sortir du flou.
Il y a urgence, mais il est tout aussi urgent d’attendre. Attendre que la convention de gestion liant la future SAS (*) de Frédéric Sitterlé et l’association amateur soit validée par la Préfecture. Ce qui, vu le contexte explosif, ne devrait pas trop traîner. Alors que les acteurs des deux entités se déchirent avec une violence plus exacerbée encore que sous l’ère Jafar Hilali, les élus strasbourgeois ont une nouvelle fois disséqué hier la crise du RCS en séance plénière.
L’occasion d’une belle partie de manivelle entre Jean-Emmanuel Robert, conseiller d’opposition, et Alain Fontanel, adjoint aux finances en charge de ce dossier brûlant. Dans sa longue interpellation, le premier a d’abord épousé les thèses de Frédéric Sitterlé. « Celui qui est amené à mettre de l’argent […] doit avoir les pleins pouvoirs au moment où il commence à alimenter les comptes. L’association fonctionne en consanguinité et c’est ce qui l’étouffe. » Puis il a peu à peu rééquilibré son propos dans une parabole automobile plutôt adaptée à un club financièrement au point mort. « Nous avons des dirigeants et des acteurs qui se comportent comme si le RCS était encore en Ligue 1 […]. Tous s’imaginent que le club est une Formule 1, une Ferrari de plusieurs millions d’euros, alors que ce n’est plus qu’un véhicule bien abîmé, cabossé de toutes parts par les propriétaires successifs, dont le moteur est à bout de souffle […], le lecteur CD a disparu depuis belle lurette, les jantes alu ou en carbone ont été remplacées par des enjoliveurs en plastique et le seul vibrionnant klaxon nous fait réaliser que le véhicule fonctionne encore et ce grâce essentiellement à de l’argent public. Nous en sommes avec cette saison à plus de 7 millions depuis 2009. »
Sitterlé a rencontré Fontanel dimanche
Au bout de cet effet rhétorique, J.-E. Robert s’est toutefois gardé de prendre parti. « Je ne sais pas qui a tort ou raison dans cette nouvelle querelle et je ne cherche même plus à le savoir. Mais ce que je sais en revanche, c’est que tous les efforts du staff et des joueurs risquent d’être réduits à néant si le déficit budgétaire n’est pas comblé d’ici la fin de saison. »
L’élu UMP - Nouveau Centre et Indépendants a ensuite cerné des enjeux sur lesquels tout le monde s’accorde : « Ou bien on mise sur l’association, mais dans ce cas, cela signifie que les « historiques » ont une surface financière suffisamment importante ou un généreux mécène pour combler le déficit à la fin de saison et investir pour l’avenir. Ou bien on confie le club à Frédéric Sitterlé […]. Ses détracteurs sauront s’il dispose oui ou non de la surface financière pour faire face à ces échéances. Une 3 e voie est possible. Un nouveau repreneur apparaît et les acteurs du moment disparaissent […]. Qui sera suffisamment insensé et en même temps sérieux pour investir dans cette pétaudière ? » En guise de réponse, Alain Fontanel a, lui, choisi de se référer au cinéma : « Cela fait trop longtemps que ce club est soumis à l’instabilité de sa gouvernance et ses investisseurs. Le film du RCS est devenu un mauvais feuilleton de série B ou plus précisément de 5 e division. »
Aussi, « pour sortir du flou et des accusations réciproques », la municipalité a-t-elle décidé de lancer un audit indépendant sur l’association. Mais dans l’esprit d’A. Fontanel, Frédéric Sitterlé, dont la SAS est « une coquille vide » (dixit l’adjoint), ne pourra se soustraire à ses responsabilités : « Il y a des doutes sur le niveau d’engagement de celui qui a été désigné repreneur par le tribunal l’été dernier. Dès la validation de la convention, les engagements pris par Frédéric Sitterlé pourront être concrétisés. Il n’y a pas d’échappatoire possible, sauf s’il fait le choix, de son point de vue légitime, de se retirer […]. Il a choisi de mettre le Racing en vente. En cas de nouvelle cession, nous serions bien sûr exigeants sur les moyens mobilisés. J’en appelle au sens des responsabilités des acteurs du club. Il faut trouver à la crise une sortie par le haut. »
Les supporters chahutent l’investisseur
Un dernier terme moins anodin qu’il n’y paraît. Selon nos informations, Frédéric Sitterlé a, à son initiative, rencontré Alain Fontanel dimanche. La veille, l’homme d’affaires de Blodelsheim avait été sévèrement chahuté à la Meinau par les représentants des supporters avant la victoire sur Auxerre 3 (2-0). Les chefs de file des UB 90 et de la Fédération auraient à plusieurs reprises placé le Haut-Rhinois, mal à l’aise, face à ses contradictions. Sans démentir ce rendez-vous dominical, l’élu refuse d’en dévoiler la teneur. Mais le futur (ex ?) investisseur tenterait d’organiser avec le vice-président de la CUS « une sortie propre », à en croire certaines sources concordantes. Alain Fontanel a évoqué hier « une sortie par le haut. » Une simple coïncidence ?
(*) Société par actions simplifiée.
Stéphane Godin