Correa : « Mille fois mérité »
Le visage illuminé par le premier titre de sa carrière d'entraîneur, Pablo Correa a félicité ses joueurs pour le travail qu'ils accomplissent depuis des années à Nancy, et qui ont rendu possible la victoire en finale de la Coupe de la Ligue contre Nice (2-1). Une victoire tactique et morale, dit-il.
« Pablo Correa, vous semblez ravi à l'idée d'avoir gagné cette Coupe de la Ligue, comme si vous aviez l'impression que Nancy était sous-estimé auparavant ?
Il y a d'abord eu quelques commentaires désagréables à l'égard de Nancy et Nice, laissant entendre que cette finale n'intéressait personne. Par rapport au PSG - Marseille à venir, je suis le premier à savoir que c'est incomparable. Mais on n'a rien volé à personne, nous avons fait un très bon parcours, en battant tout le monde en 90 minutes. Pour le reste, il valait mieux ne pas venir dans la peau d'un favori, c'est toujours difficile à assumer. En championnat, nous sommes toujours considérés comme la petite équipe, cette finale n'a pas échappé à la règle. Heureusement, un résultat tient à beaucoup d'autres choses, au coeur notamment. Et mes joueurs ont un coeur énorme.
Kim marque le but de la victoire à dix contre onze. Que vous-êtes vous dit au moment de l'expulsion de Puygrenier ?
C'est incroyable. Toutes les études à notre disposition montrent qu'il est pratiquement impossible de marquer à neuf contre onze et que c'est très difficile à dix. On a marqué sur un coup franc, ce qui nous arrive assez souvent.
Pour Kim, cela intervient après une saison très difficile...
Comme je l'avais dit avant le match, un tel but fait oublier tout ce qui a précédé.
Pourquoi avoir décidé de le titulariser dans un système à deux attaquants ?
Avant le match, c'est une guerre tactique. Une fois que la partie a commencé, c'est une adaptation aux événements, une pièce qu'on jette en l'air et qui, sur un détail, choisit un côté. On craignait le milieu de Nice, qui se projette très vite vers l'avant. On craignait aussi la vitesse de leurs attaquants. C'est pour ça qu'il fallait les attendre bas. On a bien vu qu'il suffit d'une échappée de Koné pour être difficulté. L'un de nos deux attaquants devait jouer un peu plus bas, sur Echouafni, car beaucoup de ballons passent par lui. Tactiquement, les garçons ont fait un très très bon match. (Ironique) Comme à chaque fois qu'on gagne, les joueurs ont fait ce que l'entraîneur leur a demandé. On savait qu'on pouvait saisir notre chance en faisant un match tactiquement correct.
Que ressentez-vous au moment de votre course effrénée en fin de match ?
Un grand soulagement. Cela fait deux mois qu'on vit avec cette pensée-là . Il fallait tenter de l'oublier mais elle était ancrée. Il fallait mentir, éluder les questions, trouver une excuse. J'avais prévenu sur le banc : "Je vais courir pour sortir tout le stress accumulé". Quand vous savez que le club n'a pas disputé de finale depuis vingt-huit ans, il est impossible de demander aux garçons de penser au Championnat et d'oublier le reste. La victoire est mille fois méritée. Je suis allé embrasser ma famille, mon épouse et mes trois enfants. C'est la seule famille directe que j'ai à mes côtés. Les autres sont très loin (Pablo Correa est d'origine uruguayenne). Ça fait drôle, parfois. Ma femme et les journalistes sont ceux qui encaissent mon mauvais caractère.
A ce moment-là , vous pensez aussi aux circonstances dans lesquelles vous avez repris l'équipe ?
Oui. La force de cette équipe est qu'elle sait d'où elle vient. Fin 2002, on était vingtième en L2. On s'est maintenu, puis on est monté. Mais tout va très vite dans les deux sens en football. Nous sommes sur une pente ascendante. L'objectif principal était le maintien, pour la régularité du club. Et le président souhaitait venir au Stade de France pour que tout le monde entende parler de Nancy. On a disputé notre chance à fond. Avant le match, le staff et moi avons essayé de mesurer l'importance de la finale. Perde aurait rendu la fin de Championnat très difficile. Mais on s'est aussi rendu compte qu'on avait la chance de la jouer avec le maintien assuré.
Etait-ce aussi une revanche par rapport au match du 18 mars en Championnat ?
Non, je suis chrétien et je crois surtout au bon comportement. Nous avons eu un bon comportement au Ray mais on est passé pour des bandits (Andre Luiz avait été expulsé et Nice avait gagné 1-0 dans un climat houleux). La meilleure chose à faire était de venir au Stade de France, de bien jouer et de montrer un certain savoir vivre. Cette coupe, on voulait la gagner pour nous, pour rendre fier le président, pour lequel c'est dix mille fois mérité.
Un mot sur l'accueil par votre public...
C'est hallucinant de voir Nancy soutenu comme ça. Depuis 1995, je n'avais jamais vu un public aussi présent. Même à Marcel-Picot on ne pourrait pas accueillir tout ce monde. Les supporters ont souffert avec nous, cette coupe leur appartient aussi.
Et maintenant ?
Maintenant, c'est le plaisir qui domine, je ne me projette pas encore sur le match suivant. Il faut rester lucide et ne pas aller plus vite que la musique. On sait très bien qu'on ne gagnera pas la Coupe de l'UEFA, mais on va la jouer à fond. Si ça peut aider à la reconnaissance de Nancy en Europe, c'est superbe. »