L'Alsace a écrit :Assailli de toutes parts
Même si aucun verdict n’a encore été rendu dans les différents litiges qui impliquent le club strasbourgeois, le compte à rebours s’accélère pour une direction londonienne incapable d’assurer les salaires du personnel et des joueurs. Ce matin, la section pro et l’association support RCS seront entendus par la DNCG (1) sur un différend judiciaire mis en délibéré au 17 mai.
Il ne fallait pas en attendre monts et merveilles, puisque les procédures de la justice française sont ainsi faites. De fait, les trois affaires jugées hier à Colmar et Strasbourg, présentées comme des montagnes pour un Racing en perdition, ont – provisoirement – accouché d’une souris. Dans la cité de Bartholdi, la révocation du commissaire aux comptes Jean-Brice de Turckheim, sollicitée par le président du Racing Jafar Hilali, toujours invisible, n’est entrée que dans sa première phase, sans que l’on sache vraiment s’il y en aura d’autres (voir ci-dessous).
Dans la capitale de l’Europe, le délibéré du référé intenté par le Racing omnisport contre le foot pro, attendu ce mardi, a été repoussé à aujourd’hui au mieux, quelques jours au pire. L’omnisport réclame le paiement immédiat de la dernière semestrialité - 150000 euros que la section pro lui doit depuis janvier – liée à la vente de la marque RCS au foot (2). Le verdict, a priori prononcé, était hier encore en cours de rédaction. « J’espère l’avoir ce mercredi », lâche l’avocat de l’omnisport Damien Wedrychowski, prêt à passer à l’action si le résultat lui est favorable. « Je signifierai à la SASP qu’elle doit s’acquitter de ces 150000 euros. Parallèlement, je confirmerai à l’association support mon opposition sur les 294000 euros qu’elle est censée devoir à la SASP (3) e n remboursement des salaires de quatre employés du centre de formation (4) pour 2010-2011. » Une manière, pour l’omnisport, de s’assurer qu’il sera payé.
Un accord toujours possible ?
Toujours à Strasbourg, le conflit entre la section foot et l’association RCS est entré hier sur le terrain judiciaire. L’audience au Tribunal de Grande Instance a duré une heure et demie. Le temps pour les deux avocats - Rémi Kleiman pour Hilali, Laurence Suchet pour l’association support - de ferrailler. Le verdict a été mis en délibéré au 17 mai. Depuis le 11 mars, le président londonien du foot réclame à l’asso et son président Patrick Spielmann 3,188 millions d’euros, au titre d’une refacturation de salaires d’employés du centre assumés par la section pro entre 2004 et 2010.
Avec un brio relevé par tous les observateurs, Me Suchet, vainqueur aux points dans le duel des plaidoiries, s’est évertuée à démonter un à un les arguments de la partie adverse, soutirant ce commentaire à Patrick Spielmann : « Je suis raisonnablement optimiste pour que justice nous soit rendue, car c’est bien de ça dont il s’agit. L’avocat de Jafar Hilali prétend que le travail du directeur du centre et des entraîneurs profite à l’association, alors que tous forment des joueurs dont, depuis quinze ans, la SASP tire profit à la revente. » Laurence Suchet a surtout souligné que ces quatre salariés disposaient d’un contrat de travail à la SASP depuis dix ans et que personne, avant Jafar Hilali, ne l’avait contesté. Elle a de fait annoncé que l’association s’opposait dorénavant au paiement des 294000 euros. Elle a en plus demandé que la SASP verse à l’association l’aide financière mensuelle pour le centre qu’elle a interrompue depuis janvier (59800 euros mensuels, soient 239200 euros pour les quatre premiers mois de l’année). Une somme qui pourrait grimper à 358800 euros fin juin.
Trésorerie : moins 1,8 million ?
On ne s’étendra pas ici sur des débats très techniques. Sauf pour préciser – et c’est là l’essentiel - que cette bataille juridique n’empêche pas les deux parties de continuer à négocier par avocats interposés. Lundi soir, elles auraient même été tout près de trouver un terrain d’entente. Les conseillers de Hilali auraient proposé le marché suivant : d’un côté, l’association versait au foot les 294000 euros ; de l’autre, la SASP, si elle devait remporter la guerre des prétoires, s’engageait à plafonner son gain à 300000 euros sur les 3,188 millions exigés (moins de 10 % donc). Une sacrée reculade de la part de Londoniens visiblement prêts à de grosses concessions pour soulager une trésorerie exsangue. Le passage du contentieux dans les prétoires a sans doute rendu cette offre caduque. Mais si Hilali confirme son intention de lâcher du lest, un accord n’est pas impensable. C’est peut-être ce que les deux parties expliqueront ce matin à la DNCG (4) qui les a convoquées à tour de rôle (11 h pour Hilali, 11 h 30 pour Spielmann) pour faire le point sur leur différend.
L’examen des comptes 2010-2011 du RCS par l’organe financier est, lui, programmé pour la fin mai. À supposer que le club survive jusque-là. Car l’hypothèse d’un dépôt de bilan gagne chaque jour en épaisseur. Selon nos informations, certaines recettes attendues au dernier trimestre 2010-2011 auraient déjà été perçues et dépensées : 489000 euros de droits télé et 109000 euros de reliquat de sponsoring versé par Sportfive. La trésorerie manquante s’élèverait ainsi non pas à 1,1 ou 1,2 million, comme dévoilé dans « L’Alsace » le 18 mars, mais à 1,8 million. Dans cet océan de dettes, les 294000 euros de l’association s’apparenteraient à une goutte d’eau, surtout amputés des 150000 de l’omnisport. Elles ne feraient que retarder un naufrage qui, plus que jamais, semble inéluctable.
Bataille de chiffre
L’audience de conciliation dans la procédure de révocation du commissaire aux comptes Jean-Brice de Turckheim n’a débouché sur rien de concret hier à Colmar. Jafar Hilali a une nouvelle fois brillé par son absence.
La confrontation a duré une heure et demie. D’un côté, Jean-Brice de Turckheim, le commissaire aux comptes du Racing depuis 1997. De l’autre, Christophe Cornelie, le directeur général délégué du club, et son avocat parisien, Jacques Messeca. Au milieu, la présidente de la compagnie régionale des commissaires aux comptes, Carole Meschberger-Cherrier, et son vice-président, André Wernert. A l’origine de la demande de révocation du commissaire du cabinet Mazars, Jafar Hilali, invisible à Strasbourg depuis le 7 février et qui ne s’était pas présenté lors de la première audience reportée du 14 avril, a encore brillé par son absence.
Me Messeca et Christophe Cornelie formulent un grief principal à l’encontre de J.-B. de Turckheim, que ce dernier a brièvement commenté à sa sortie de l’audience : « Ils me reprochent de ne pas avoir fait de démenti à un article publié dans « L’Alsace » du 9 décembre dans lequel l’ex-directeur général du Racing, Jean-Luc Herzog, indiquait que j’avais estimé devant l’assemblée générale du 8 que 4,6 millions de risques réels dans les procès prud’homaux n’avaient pas été provisionnés. Ils affirment que cette absence de démenti porte atteinte à l’image du club. »
Le 8 décembre, Jean-Luc Herzog était effectivement sorti le premier du salon des présidents de la Meinau et avait aussi été le premier à dévoiler le chiffre de 4,6 millions. Quelques instants plus tard, une bonne demi-douzaine d’actionnaires minoritaires l’avait confirmé. Pourquoi J.-B. de Turckheim aurait-il dû démentir un chiffre qu’il avait livré publiquement aux actionnaires de la SASP ? C’est sur cette question que C. Meschberger-Cherrier et A. Wernert vont devoir statuer ces prochains jours. « Ils vont établir un document qu’ils transmettront aux deux parties », reprend un de Turckheim qui préfère s’en tenir à des explications minimalistes avant l’épilogue de l’affaire. « Ce devrait être assez rapide. Après, Jafar Hilali et les autres décideront s’ils vont plus loin dans la procédure de révocation. » Les conclusions de la présidente de la compagnie régionale et de son vice-président guideront forcément leur décision
Cornelie culpabilise les salariés
Rentré de Colmar hier en début d’après-midi, le directeur général Christophe Cornelie a reçu les salariés du Racing durant trois quarts d’heure à la Meinau. Il leur a exprimé sa défiance à l’égard de certains d’entre eux, les accusant de « parler à la presse », tout en leur demandant de faire confiance aux actionnaires londoniens. Diabolisant Patrick Spielmann et la section amateur, mais aussi le commissaire aux comptes Jean-Brice de Turckheim, le bras armé de Jafar Hilali les a rendus responsables de la situation financière plus que précaire du club.
Plus fort encore : alors que le personnel envisage de saisir les Prud’hommes en référé le mercredi 11 pour obtenir le paiement des salaires d’avril, toujours pas versés, il l’a enjoint à n’en rien faire, en jouant sur le registre de la culpabilisation à outrance. « Si vous le faites, vous précipiterez le dépôt de bilan. Vous serez responsables de la mort de votre club, pas nous », a-t-il lancé en substance aux salariés pour les dissuader. Il n’a cependant pas pu garantir que les salaires seraient payés d’ici là, mais s’est engagé à faire le point avec les employés mercredi prochain. Il a aussi révélé que les besoins immédiats en trésorerie étaient de 300000 euros et qu’un établissement bancaire s’était refusé à prêter au RCS plus de 50000 euros. Un prêt finalement pas contracté.
(1) Direction nationale du contrôle de gestion de la Ligue de Football Professionnel.
(2) Cette vente, conclue en 2005, porte sur un montant de 1,8 million d’euros, payables en 12 semestrialités de 150000 euros. Celle du début janvier était la dernière.
(3) Société anonyme sportive professionnelle.
(4) Le directeur Jean-Marc Kuentz, les entraîneurs de la réserve et des U19 François Keller et Nicolas Mayer et la secrétaire Dominique Fischer.
Stéphane Godin
Quand est ce que l'Inspection du Travail viendra pointer le bout de son nez dans ce harcèlement quotidien ???