L'Alsace a écrit :Cette vente, c’est du chinois 
Après avoir défié les lois, tacites ou édictées, du milieu du foot et été renvoyé dans ses seize mètres par les instances (fédération française, UNFP), le bouillonnant président Jafar Hilali a défié hier celles du monde de la finance en jetant sur la place publique le nom des supposés repreneurs du RCS, dont un groupe chinois, Fosun.
On se doutait que pour tous les suiveurs, lecteurs et amoureux du Racing, le dossier de revente du club bas-rhinois s’apparentait ces derniers temps à du chinois. On en a le cœur net depuis hier matin et la publication par Jafar Hilali sur le site officiel du RCS de la liste des repreneurs potentiels, dont un groupe chinois d’envergure, Fosun (4,2 milliards de chiffre d’affaires en 2009 et 560 millions de bénéfice).
Selon le président londonien, qui s’y entend comme personne pour créer le buzz (1), pas moins de sept candidats seraient intéressés, mais aucun n’a formulé d’offre ferme (voir ci-dessous). Et pour cause ! Aucun non plus n’a eu pour l’instant accès aux situations budgétaire et de trésorerie du RCS et pu mener un audit approfondi.
Alors qu’ils espéraient formuler une offre hier (« L’Alsace » de samedi), l’ex-président de Monaco Jérôme de Bontin, l’ancien Racingman José Cobos et Eric Gousset (natif de Strasbourg, comme Cobos) se sont exprimés par un communiqué laconique qu’ils ont cosigné et adressé à notre rédaction.
Un texte court expliquant que le trio a besoin d’un peu de temps. « A la suite du communiqué paru ce jour sur le site du Racing-Club de Strasbourg, nous vous confirmons notre intérêt sur la situation du Racing. Jérôme de Bontin souhaite plusieurs jours de réflexion afin, éventuellement, de réunir un actionnariat fort et durable autour de ce projet cher à José Cobos et Eric Gousset. »
En discussion avec un groupe d’investisseurs américains, l’éphémère président monégasque (d’avril 2008 à mars 2009) réclame donc un délai pour arrêter une position de principe sur le maintien ou non de sa candidature.
Aucune offre avant la DNCG ?
Sa décision n’interviendra a priori pas avant le début de semaine prochaine. Ensuite seulement, de Bontin, Gousset et Cobos commanditeront un audit détaillé, passage obligé avant une possible offre de rachat. Autant dire que cette dernière est encore loin d’être une réalité, malgré la volonté manifeste des trois hommes de s’impliquer au RCS. Elle a même peu de chances de prendre forme avant le passage du club devant la DNCG (2) le 9 juin.
Personne ne devrait d’ailleurs passer à l’action avant cette échéance cruciale pour l’avenir du Racing. A moins que le puissant groupe chinois Fosun, sorti de la lampe magique de Jafar Hilali, ne montre qu’il n’est pas là pour rigoler, au contraire d’un proche du club qui, hier, commentait ainsi son entrée en piste dans la valse des prétendants : « Si ce projet chinois accouche, on va se marrer, car c’est bien connu : on rit quand on naît. »
Plaisanterie mise à part, on voit mal, malgré le lobbying médiatique de Hilali, la cession du club être effective avant le 9 juin. L’actionnaire majoritaire le sait et tente de convaincre l’opinion – pas dupe - que les candidats se bousculent au portillon. Histoire - on l’a déjà dit - de faire monter les enchères. Pour mémoire, lors de la privatisation du Racing en 1997, contre un prix d’achat de 5 millions de Francs (762000 euros), trois dossiers sérieux avaient été élaborés, dont un avait renoncé au dernier moment. Le club bas-rhinois évoluait encore en Ligue 1 et son président Roland Weller, qui l’avait géré en père de famille, avait laissé 6 millions d’euros dans les caisses.
Quatorze ans plus tard, il émarge deux niveaux plus bas et est criblé de dettes. Il doit combler un trou de 4 millions avant le 30 juin. Sans parler des casseroles (litiges prud’homaux, comptes courants à rembourser, factures impayées). Pour beaucoup moins que ça (un déficit estimé entre 500 et 600 000 euros), le Sporting Toulon (CFA) a été rétrogradé mardi en Division d’Honneur. Comme avait l’habitude de le dire l’ex-coach du RCS Jean-Marc Furlan, « la peur n’évite pas le danger. » Mais l’optimisme béat non plus.
Sept candidats, combien d’élus ? 
La presse alsacienne adresse un grand merci à Jafar Hilali. En publiant hier matin in extenso la liste des dossiers « plus ou moins sérieux » - c’est lui qui le dit - sur le site internet du Racing, le propriétaire du RCS lui a évité un lourd travail d’investigation, toujours fastidieux et pénible. Voici donc ci-dessous les sept projets identifiés par le Londonien dont une bonne moitié apparaît soit fantaisiste, soit incapable de porter une candidature sur ses seules épaules.
1.Claude Lewy et des investisseurs espagnols. Ce même Claude Lewy, qui gravite autour du RCS depuis des années, avait déjà approché l’ex-président Jean-Claude Plessis l’an passé en se présentant comme le porte-parole d’investisseurs luxembourgeois capables d’injecter 2 millions. Ni Plessis, ni personne d’autre n’a vu la couleur de l’argent.
2. Un membre du conseil de surveillance accompagné d’un industriel. Tous les Alsaciens du conseil de surveillance (Léonard Specht, Michel Wild, Jacky Kientz, Thierry Wendling et Jean-Luc Witzel) démentent être à l’origine de cette supposée démarche. Restent les cinq autres membres, tous issus de la phalange londonienne. Peu crédible. Sinon, pourquoi le fameux industriel ne serait-il pas déjà entré dans le capital ?
3.Le trio Gousset-Cobos-de Bontin. Identifié au complet dans « L’Alsace » du 28 mai, il travaille toujours, mais n’est pas arrivé au bout de sa réflexion (voir ci-dessus).
4.Jonathan Helbling et son projet via Facebook. Ce fan du Racing a lancé fin avril un groupe sur Facebook visant à créer un club de socios, lever des fonds parmi les supporters et accompagner un projet de reprise. Hilali l’identifie comme un projet indépendant. Mais pour sympathique qu’elle soit, l’initiative de J. Helbling a pour le moment brassé plus de vent que d’argent.
5.Un Croate avec un investisseur important. Le Croate en question s’appelle Andrej Bjegovic et il représenterait un investisseur alsacien. Rien d’autre n’a filtré.
6.Le trio Jean-Claude Calisesi - Francis Queudot - un investisseur alsacien. J.-C. Calisesi confiait lui-même dans ces colonnes mardi que ses associés et lui étaient intéressés, mais que le chemin menant à une offre était encore très long. « Non seulement le prix de base (10 millions d’euros) est insurmontable, mais Hilali ne veut assumer aucune garantie de passif. En restant intransigeant, il est en train de faire peur à tout le monde. Au prix demandé, il ne trouvera personne. » Les trois hommes ne bougeront pas avant le verdict de la DNCG.
7. Le Chinois Fosun. J. Hilali avoue lui-même que l’éventuelle venue du groupe chinois est en discussion. A prendre avec des pincettes et les précautions d’usage.
(1) Il a tenu en haleine toute l’Alsace durant la semaine précédant le dernier match contre Bayonne avec sa menace de jouer à huis clos et sa promesse – non tenue – d’une arrivée grandiloquente en hélicoptère à la Meinau. Il a récidivé la semaine suivante en proposant sur la place publique une prime de 200 000 euros aux Rouennais s’ils battaient Guingamp lors de la 42 e et dernière journée de National et propulsaient ainsi le Racing en Ligue 2. Une initiative qui, cette fois, a provoqué un tollé dans la France entière, notamment de la FFF et de l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels.
(2) Direction nationale du contrôle de gestion de la Ligue de Football Professionnel.
 
 Stéphane Godin