Le Centenaire du Racing

Jugez librement nos dirigeants et l'actualité extra-sportive du club
Répondre
Avatar du membre
NéRiK
Secrétaire général@Directoire
Secrétaire général@Directoire
Messages : 8212
Enregistré le : 6 avr. 2005 17:47
Localisation : Strasbourg-Neudorf

Message par NéRiK »

argueti a écrit :
SO a écrit :Inauguration de l'exposition

A l'occasion du Centenaire du Racing, les supporters se sont regroupés pour réaliser une exposition qui aura lieu au Salon Business du stade de la Meinau, depuis ce samedi. Cette exposition permettra de revivre, en photos et à  travers différents témoignages, les 100 ans d'histoire(s) du Racing.

L'inauguration de cette exposition se déroulera ce samedi 30 septembre à  partir de 18h30. Toutes les personnes souhaitant y assister sont cordialement invités. L'entrée est libre.

HORAIRES DE L'EXPOSITION:
- Samedi 30 septembre et dimanche 1er octobre: de 10h à  20h
- du lundi 2 au jeudi 5 octobre: de 14h à  20h
- samedi 7 octobre: 10h à  20h
Y en a qui pense y aller ?
J'étais à  l'expo ce soir c'était sympa de revoir de vieux maillots et de vieux articles, avec la presence de Ginette et un buffet. 8)
Mieux vaut se taire et passer pour un con que de l'ouvrir et prouver qu'on en est un
Avatar du membre
argueti
Sélectionneur@InfosRacing
Sélectionneur@InfosRacing
Messages : 37462
Enregistré le : 16 mai 2003 23:27
Localisation : Strasbourg
Contact :

Message par argueti »

Quand il s'agit de manger c'est toujours sympa :lol:
Avatar du membre
argueti
Sélectionneur@InfosRacing
Sélectionneur@InfosRacing
Messages : 37462
Enregistré le : 16 mai 2003 23:27
Localisation : Strasbourg
Contact :

Message par argueti »

DNA a écrit :Quand un club de quartier devient un « Wunderteam »

Comment un petit club d'une rue du quartier de Neudorf peut-il devenir l'un des grands clubs omnisports de France et un des acteurs majeurs du football professionnel français ? C'est la saga du Racing Club de Strasbourg qui fête ces jours-ci son centenaire. Un Racing devenu au fil des ans le baromètre de l'identité alsacienne, le dernier salon où l'on se montre et l'arène de toutes les folies.

Tout commença donc en l'an 1906 dans la rue d'Erstein lorsque des gamins s'entêtèrent à  pratiquer un sport plus ludique que les classiques gymnastique et athlétisme. Dans ce quartier populaire, ces fils d'ouvriers n'avaient pas les moyens d'acheter un ballon en cuir. Leurs économies et une dotation de leur instituteur leur en offrirent un, un an plus tard. Ils jouaient avec tant d'enthousiasme qu'ils formèrent bientôt une équipe et, à  l'automne, créèrent le 1er FuàŸball Club Neudorf. Les débuts furent durs. Les défaites succédèrent aux défaites. Mais il en fallut davantage pour décourager nos intrépides footballeurs. Ils avaient adhéré à  la ligue de football d'Allemagne du Sud avec l'ambition de grimper rapidement dans la hiérarchie. La déclaration de la grande guerre arrêta net leur progression en championnat A après deux ascensions dans les compétitions badoises.

Dès 1927, les « Bleus » ne craignaient plus les ténors alsaciens

Au retour de leur mobilisation, les survivants ne tardèrent pas à  rallumer le feu. Et dès le 18 décembre 1918, sous la présidence de Charles Belling, le 1er FuàŸball Club Neudorf se transforma en Racing Club de Strasbourg-Neudorf, club omnisports qui comptait plusieurs sections.
Mais le foot resta la section moteur d'un Racing qui perdit le nom et l'esprit de son quartier d'origine. Le RCS était né. Car dans la lutte pour la suprématie strasbourgeoise (à  l'époque le grand club, c'est le doyen l'AS Strasbourg) puis alsacienne, on alla recruter des joueurs à  l'« extérieur » du faubourg. A Cronenbourg, au centre ville. Et même en Suisse.
C'est que l'équipe était ambitieuse. Elle remporta haut la main son premier titre de championne d'Alsace de la série Honneur en 1923. Elle récidiva en 1927. Elle ne craignit plus les autres ténors du football régional qu'étaient l'AS Strasbourg, le FC Mulhouse, le SC Sélestat ou le FC Bischwiller. Les démonstrations des Racingmen enthousiasmèrent tant le public que le club investit 8 000 F de l'époque dans la construction d'une première tribune en bois. Le jardin Hemmerlé pouvait désormais accueillir 4 000 personnes.
Il n'y avait pas encore de championnat de France ni amateur ni professionnel (celui-ci fut créé en 1932). La Coupe de France resta donc la seule épreuve pour faire admirer son football au-delà  des limites alsaciennes.
En 1926, par exemple, Rueil, le Red-Star Paris et le prestigieux Olympique Lillois mordirent la poussière devant les ciel-et-bleu qui ne s'inclinèrent que devant le Stade Français. Il récidivèrent en 1933 où ils atteignirent les huitièmes de finale, vaincus par l'OGC Nice (4-1).

L'arrivée d'Emile Mathis convainquit le club d'adopter le statut professionnel en 1933

En 1933, le Racing passa la vitesse supérieure. L'arrivée au poste de président d'honneur d'Emile Mathis et la passion pour le foot du constructeur automobile de la Meinau, le convainquirent d'adopter le statut professionnel et de s'engager en championnat de France où ils rejoignirent le FC Mulhouse passé pro dès 1932.
Dès la première saison, les Strasbourgeois firent parler la poudre et après des barrages contre Saint-Etienne et le FCM, ils prirent l'ascenseur pour la division 1.

L'équipe s'inspira vite du football panache autrichien

D'entrée, le Racing se situa parmi les meilleurs clubs de France, animé par des joueurs de qualité comme les frères Fritz et Curt Keller, Oscar Heisserer, Léon Papas, God Havlicek, Walter Presch n'échouant qu'à  un point du champion de France, le grand FC Sochaux de Mattler, Di Lorto, Courtois, Lauri ou Abegglen.
L'année suivante, l'Allemand Ossi Rohr (le père de Gernot) ou Elek Schwartz vinrent grossir les rangs du « Wunderteam » strasbourgeois entraîné par le Viennois Pepi Blum (69 sélections). L'Autriche régnait alors sur le football européen et le Racing enflammait les terrains de France par son football panache, son jeu collectif, enthousiaste, rapide et rigoureux.
Nancy, l'OGC Nice, l'Excelsior Roubaix, le Red-Star et Rouen battus, le Racing disputa sa première finale de Coupe de France en 1937. Pour la première fois, tous les supporters d'Alsace montèrent à  Paris. Mais ce fut l'éternel sochalien qui s'imposa (2-1) à  Colombes devant 39 640 spectateurs. 2e, 3e, 6e, 5e : le Racing joua les cadors en championnat.
Le jardin Hemmerlé s'était doté d'une deuxième tribune, financée par Emile Mathis. Hélas, la 2e Guerre mondiale mit un frein brutal à  l'épopée. Comme de nombreux Alsaciens, le vrai Racing se réfugia à  Périgueux où il remporta même le titre de champion de ... Dordogne, l'occupant à  Strasbourg créant un ersatz de Racing, le « Rasensport club ».
Dès la Libération, entraîné par Emile Veinante, le Racing avait à  nouveau belle allure. Avec Oscar Heisserer revenu du RC Paris, Paco Matéo recruté à  Bordeaux, Segondo Pascual formé au Vésinet, Raymond Vela venu du FC Barcelone. Et l'équipe d'enchaîner les victoires pour accrocher une 3e place du championnat en 1947 et surtout rassembler à  nouveau tous ses supporters pour la finale de la Coupe de France contre le Lille OSC après une kyrielle de succès sur Besançon, Troyes, Cannes, le Stade Français et Angoulême. Malgré son courage et des occasions franches, les Alsaciens mordirent à  nouveau la poussière de Colombes (2-0).

En 1951, la 3e finale de la Coupe de France fut la bonne

Après une 6e place en 1948, la roue tourna. Et en 1949, le Racing ne sauva sa place parmi l'élite que grâce au forfait en championnat professionnel de 1e division des SR Colmar de l'industriel Claude Lehmann. Les deux années suivantes furent moyennes (13e puis 12e) jusqu'à  l'exploit en finale de la Coupe de France contre l'US Valenciennes. Nîmes, Thaon-les-Vosges, Annecy, l'OGC Nice et le FC Nancy furent précédemment victimes de la fougue des hommes de Charles Nicolas. Les 61 492 spectateurs de Colombes se régalèrent du jeu présenté par les bleus et ponctué par des buts de Bihel, Krug et Nagy.
Inutile de dire qu'au retour du train de Paris, tout Strasbourg descendit dans les rues pour acclamer ses héros. Un premier sacre national rejoignait les bords de l'Ill.

Petites histoires d'une grande histoire

Le premier match « officiel » du Racing - qui n'était encore qu'une bande de copains de la rue d'Erstein et du Schluthfeld à  Neudorf - se disputa contre le club constitué du FC Germania. Inutile de dire que les Racingmen furent écrasés 7-0. Quinze jours plus tard, lors du match revanche, ils firent meilleure impression et ne perdirent que 2-0.
Le Racing a presque aussi souvent fait parler de lui par ses résultats sportifs que par les petites ou grandes histoires qui le secouent. Cela ne date pas d'hier. Dès le mois d'août 1908, en désaccord avec le président qu'ils avaient appelé pour conduire le club, les membres fondateurs historiques tentèrent de faire une révolution. Ils quittèrent momentanément le club mais revinrent trois mois plus tard. Avec un nouveau président, Richard Berger.

Pas étonnant qu'en 1909 le président Zuhlke ne resta guère en place. Après avoir fait acquérir par le club des livres de chant pour faciliter les distractions des membres, il infligea une amende d'un mark au joueur Geyer au prétexte que ce joueur avait « usé un ballon propriété du club sur la chaussée sans autorisation » lit-on dans le procès-verbal de la réunion du comité du 27 mai 1905.

Le Racing a commencé à  jouer ses matches officiels sur les terrains vagues du Polygone. Ce n'est qu'en 1914 qu'il « émigra » sur ce qui est l'actuel stade de la Meinau, autrefois, appelé le jardin Hemmerlé qui, par un particulier, était loué jusque là  au FC Franconia devenu le Red Star Strasbourg. Une décision de justice lui conféra le droit de supplanter son voisin !

En 1911, en battant le FC Erstein 28-0 dont 18 de l'attaquant Schmalbach, le Racing rata un record d'Allemagne : celui du plus grand nombre de buts marqués en un match qui était l'apanage du Karlsruher SV vainqueur 29-0 de Sarrelouis.

Jusque dans les années 1960 et l'installation de pylônes dans les quatre angles de la Meinau, les matches se disputaient en diurne. Il n'empêche que le Racing joua son premier match en nocturne dès le 27 septembre 1933. C'était à  Zurich où l'une des meilleures équipes européennes d'alors, les Grasshoppers mordirent la poussière 4-2. Score qui impressionna à  l'époque.

Sitôt passé professionnel, le Racing acquit une belle réputation internationale. La preuve : en 1934, il effectua une tournée dans les Balkans où il affronta trois fois en huit jours l'équipe nationale de Yougoslavie (deux défaites 2-0 et 2-1, une victoire 1-0), une fois la Bulgarie (défaite 3-2) et une fois la Roumanie (défaite 5-1). Il termina sa tournée par un match nul (4-4) contre le Bayern Munich.

L'infirmerie du Racing, que les Allemands avaient débaptisé en « Rasensport club », n'avait jamais été aussi garnie que pendant la guerre. Jusqu'au moment où les nazis se rendirent compte qu'il exagérait, le médecin français du club pratiquait de fausses opérations afin d'empêcher les joueurs de porter l'uniforme de la Wehrmacht. Renvoyé, il céda sa place à  un pharmacien, lequel distribua généreusement des pilules pour rendre malade les joueurs. Dans son livre sur les Histoires drôle du Racing, Francis Braesch raconte même qu'un boucher fut mobilisé pour casser véritablement le bras d'un joueur surpris par l'occupant à  déclarer une fracture virtuelle.

Avec Paco Matéo, le Racing n'avait pas seulement recruté en 1947 un demi défensif au talent exceptionnel, mais aussi un pitre facétieux. Ainsi s'illustra-t-il deux fois la veille de la finale de la Coupe de France en 1947. En visite au musée Grévin, il prit la pause entre Fernandel et une autre statue de cire. Un couple passa. « La statue est presque vraie, » s'étonna la dame. Le mari demeurait incrédule. La dame tâta la main du joueur strasbourgeois qui lui fit un clin d'oeil. « On dirait de la vraie peau et la statue a cligné de l'oeil... » « Tu rêves ! », lui répondit son mari qui l'engagea à  rééditer la manoeuvre sous ses yeux. Et la statue de cligner à  nouveau de l'oeil devant des coéquipiers de Paco Matéo morts de rire.
Toujours avant cette finale, Joseph Heckel, le chausseur de La Walck et attaquant de l'équipe et Paco Matéo qui dévisageait sa belle valise, firent un pari. « Je te donne ma belle malleta, comme tu dis, si tu sautes dans la Seine. » Matéo fit stopper le bus strasbourgeois sur un pont, se dévêtit et plongea. Les policiers intervinrent, l'accusèrent d'exhibitionnisme et voulurent le mettre en garde à  vue. Le Racing faillit jouer sans son demi.

Bernard Delattre

Sources : archives personnelles, archives DNA, Le Livre d'Or du Racing (1906-1977) d'Armand Zuchner, Il était une fois le Racing, Histoires drôles du Racing de Francis Braesch, éditions Alsatia (1977).

Image

L'équipe du Racing de la finale de la Coupe de France 1947 : (debout) Lergenmuller (gardien), Braun, Heiné, Matéo, Lang, Pascual, (accroupis) Heckel, Heisserer, Woehl, Vanags, Rolland. (Photo de la collection d'Andy Matéo et Roland Debs)

Image

La veille de la finale de la Coupe de France 1947, Paco Matéo saute dans la Seine pour gagner son pari. La police a failli l'empêcher de disputer le match de Colombes. (Photo de la collection d'Andy Matéo et Roland Debs)
;)
Avatar du membre
silex57
Manager général@Directoire
Manager général@Directoire
Messages : 12131
Enregistré le : 23 août 2005 16:52
Localisation : expatrié à Los Angeles ...

Message par silex57 »

Sympa l'article pour en apprendre plus sur l'histoire de notre club !
"Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort" Nietzsche.
Image
Avatar du membre
argueti
Sélectionneur@InfosRacing
Sélectionneur@InfosRacing
Messages : 37462
Enregistré le : 16 mai 2003 23:27
Localisation : Strasbourg
Contact :

Message par argueti »

DNA a écrit :Champions de France !

Quand un groupe sans « vedette », truffé de joueurs alsaciens, inscrit la plus belle page de la longue histoire du Racing centenaire. Quand Gress et Bord barrent le navire sans trembler, avec le président Léopold... 1979, année de tous les records.

« Tu te rends compte ? On est champion de France. » C'était ce 1er juin dans la chaude nuit lyonnaise, avant de grimper dans le bus à  destination de Coulonges et de la table de Bocuse. En dialecte, Roland Wagner, l'enfant de Drusenheim, partageait bonheur et émotion avec son compère de la pointe alsacienne, Albert Gemmrich, le fils de Preuschdorf.
Ils l'avaient fait. Une bande de vrais copains (ils se retrouvent aujourd'hui encore à  la moindre occasion) venait d'illuminer pour l'éternité l'histoire du sport alsacien.
Avec eux, Yves « Ypfa » Ehrlacher, de Sundhoffen, Jean-Jacques « Django » Marx, de Fegersheim, Léonard Specht, de Mommenheim, René Deutschmann, le vrai Strasbourgeois, ou encore André « Dédé » Wiss, de Guémar, Rémy Vogel, formé au club, sans oublier Joël Tanter, le Breton d'Alsace. Et le coach, Gilbert Gress, un authentique gars du coin, les dirigeants, tous Alsaciens de souche, Robert Félix, né, installé à  vie dans les quartiers de la Meinau et de Neudorf. Rien que des enfants du pays.

Ces « Français de l'intérieur » naturalisés alsaciens, fondus dans le moule

Aucun mercenaire comme aujourd'hui. Mais un Mosellan, Francis Piasecki, que beaucoup comparaient au meilleur Platini, un ch'ti nommé Dominique Dropsy, naturalisé Strasbourgeois, un Breton qui n'a plus quitté la Meinau, le roc et capitaine Jacky Duguépéroux, un Lyonnais qui s'en ira aussi au sud de la province, au FC Mulhouse et qui partagera un moment la vie d'une fille originaire de Wihr-au-Val, le patron des tricolores vice-champions du monde, Raymond Domenech. Et le gentleman fait défenseur, Jacky Novi, méridional heureux de jouer dans le froid, tant la chaleur ambiante se chargeait du reste. Et Roger Jouve, technicien subtil venu de Nice. Et le grand Tchadien Toko. Et les espoirs, Mosser, Glassmann, dont on reparlera.
Tous ensemble. Tous fiers de défendre les couleurs d'un Racing, d'une région à  laquelle avaient su s'attacher sans mal les autres piliers du RCS champion de France, de ce Racing Club de Strasbourg qui venait de donner la leçon à  ce Lyon devenu entre temps le numéro 1.

Quatre bleus du RCS en même temps avec les Bleus de France

Quelle saison. Quel final. Quelle communion. Du jamais vu dans cette région réputée pour sa discrétion. Des trains de supporters, des bus a gogo pour venir encourager un ensemble qui avait su mûrir en division 2, remonter avec panache, conquérir dans la foulée la 3e place parmi l'élite, puis imposer un style de jeu, un enthousiasme, une marque de fabrique.
Un Racing dont les meilleurs éléments deviennent internationaux. Dropsy, Specht, Piasecki, Gemmrich, Wagner, Jouve. Un jour au Luxembourg, ils étaient quatre ensemble avec l'équipe de France.
En ce temps là , toute une province s'identifiait à  son équipe, toute l'Alsace arborait sa fierté, les 68 rejoignaient les 67 pour chanter la gloire de « Gressa Schilles » et de ses irréductibles combattants.
Le Racing gagnait. Paris se déplaçait jusqu'au bord du Rhin. Et de jeunes villageois s'apprêtaient à  aller boire l'apéro à  la table des plus grands. Vous vous rendez compte...

Image

C'est la fête en ville aussi. Raymond Domenech, Jean-Jacques Marx et leurs coéquipiers sont fêtés par les Strasbourgeois. (Photo archives DNA)

Image

Au retour de leur dernier match de la saison à  Lyon, les Racingmen, champions de France 1979, sont accueillis par une foule en liesse en gare de Strasbourg. (Photo archives DNA)

Galerie de géants

Elle en a vu des joueurs d'exception, la vieille Meinau et sa fameuse tribune debout. Retour non exhaustif sur quelques bijoux.

Un artiste. L'égal des plus grands. Un génie du football. Un champion sur le terrain et un gentleman dans la vie. Un créateur qui ne se prend jamais au sérieux, mais que personne ne saurait oublier.

« Il dribblait comme personne, pour le plaisir des yeux »

Ivica Osim, le grand Ivan, retenu au sein des sélections mondiales, sollicité par les plus grands, fut recruté en 1970 au Zeleznicar de Sarajevo par le président Alfred Wenger et le secrétaire général Armand Zuchner pour donner de nouvelles couleurs à  un Racing renommé provisoirement RPSM, suite à  la fusion avec les Pierrots de Emile Stahl et Paco Mateo.
Le meneur de jeu, le prestigieux créateur de la Yougoslavie parmi les Kohler, Hoffsess, Hubert Hausser, Burkhard, Siffert et Lazarus. Un régal au quotidien pour les joueurs, pros, stagiaires ou amateurs, de la vieille Meinau.
Le futur sélectionneur national aurait assurément mérité club plus prestigieux encore. Mais, en Alsace, terre de travail et d'accueil, il dribblait comme personne. Pour le plaisir des yeux.

Paul Frantz, le «prof» qui bouscule les habitudes

Des joueurs d'exception, tous dans des registres différents, elle en a abrité, la Meinau entre 1946 et 80. Carlos Bianchi, le goleador myope que Gress accepta à  contre coeur, mais qui sut ne jamais se départir de sa classe naturelle. Jean-Noël Huck, aussi brillant droitier entre milieu et pointe que plus tard le Danois Carsten Nielsen, le gaucher.
Wolfgang Kaniber, l'inconnu venu d'Osnabruck, le surpuissant avant-centre made in Germany, que les supporters idolâtraient. Avec Marco Molitor, le kiné, l'intellectuel, le surdoué passé à  côté d'une carrière plus brillante encore, quel tandem offensif, à  la fin des années 70, sous l'ère Paul Frantz, cet entraîneur hors norme, qui avait su transformer le Racing en terrible et impitoyable machine à  gagner. Avec nombre de véritables alsaciens au sommet.
René Hauss, le « roi René », à  la longévité exceptionnelle, lui le perfectionniste. Raymond Kaelbel, le Colmarien, le plus capé d'entre tous, inventeur du tacle défensif. François Remetter, l'égal des plus grands gardiens de but, personnage attachant. Gilbert Gress, l'anticonformiste, Gérard Hausser, talent pur.
Et, avant eux, Robert Jonquet, le Rémois de l'époque Kopa, Ernst Stojaspal, le divin chauve du wunderteam Autrichien, les jeunes Jean Wendling et Lucien Muller, futur grand d'Espagne. Vous souvenez vous ?

Image

Jean-Noël Huck : l'élégance et l'efficacité. La classe... (Photo archives DNA)

Image

Carlos Bianchi : un des plus grands buteurs de l'histoire du football français. Pas du Racing... (Photo archives DNA)

Doublé pour René Hauss

Un titre de champion de France, deux coupes. Entre 1946 et 1980, le Racing Club de Strasbourg a surfé sur les sommets. En Europe aussi.
1947 : 2e finale de Coupe de France, perdue à  Colombes (2-0) contre le grand Lille. L'entraîneur Emile Veinante avait aligné Lergenmuller - Pascual, Braun - Heiné, Mateo, Lang - Heckel, Heisserer (cap), Woehl, Vanags, Rolland.
1949 : Relégué sur le terrain, le RCS échappe à  la relégation grâce au forfait bienvenu des SR Colmar.

Première victoire en Coupe de France

1951 : Première victoire en Coupe de France, contre Valenciennes (3-0, buts de Bihel, Krug et Nagy). Charles Nicolas avait fait confiance à  Schaeffer, Hauss, Wawrziniak (cap), Démaret, Krug, Vanags, Nagy, Jacques, Battistella, Bihel et Haan.
1955 : Une superbe équipe emmenée par l'Autrichien Stojaspal joue longtemps le titre avant de faiblir et de terminer 4e.
1964 : Victoire en finale de la première Coupe de la Ligue à  la Meinau contre Rouen (3-1) pour René Hauss et ses copains.
1965 : Enorme saison pour l'équipe prise en mains par Paul Frantz. En Coupe des villes de foire, les « bleus » éliminent le grand Milan AC, Bâle, Barcelone avant de tomber contre le Manchester United de Charlton, Law et Best.
1966 : 2e finale victorieuse de la coupe de France dans le vieux Parc des Princes contre Nantes (1-0, coup franc de Sbaiz). Frantz disposait d'une équipe exceptionnelle avec Schuth, Sbaiz, Hauss, Stieber, Devaux, Kaelbel, Gress, Merschel, Farias, Szepaniak, Hausser.

En quart de finale contre l'Ajax

1970 : Kaniber, Molitor, Huck, Piat conduisent le club à  la 5e place de D1.
1979 : Le Racing de Gilbert Gress devient champion de France. Gloire à  Dropsy, Marx, Duguépéroux, Specht, Domenech, Novi, Deutschmann, Ehrlacher, Piasecki, Tanter, Wagner, Gemmrich, Vogel, Wiss, Jouve, Toko, Glassmann, Mosser.
1980 : 5e en championnat, le Racing tombe en quart de finale de la Coupe d'Europe des clubs champions face à  l'Ajax. Le 21 septembre, la Meinau brûle au terme du match contre Nantes. Gress est remplacé par Raymond Hild.

Bord et Gress : l'amour-haine

Bord - Gress. Faits pour s'entendre, ils se séparent avec fracas. Dommage...

« J'ai un seul regret aujourd'hui. Les divergences avec Gilbert Gress. Avec le recul, je reste persuadé plus que jamais qu'il serait devenu un grand président du Racing. »
Plus de vingt ans après, André Bord, Racingman de toujours avec Francine Heisserer - la fille de l'éternel Oscar - son épouse, bleu de coeur au-delà  des divergences, incidents et autres dérapages ayant tristement alimenté la chronique, a passé l'éponge sur ce qui restera comme un énorme gâchis.

Deux hommes passionnés, deux bâtisseurs

L'amour-haine entre deux passionnés, deux hommes de caractère, deux bâtisseurs faits pour s'entendre, d'abord conquérants pour le bien du RCS et de tout le sport alsacien. Puis, insensiblement, inéluctablement, définitivement ( ?) séparés. Et qui s'affrontent par articles de presse, livres interposés.
La terrible soirée du 21 septembre 1980. Racing - Nantes, les deux derniers champions de France. Gress est limogé. A la fin de la partie, le coach se rend au centre du terrain pour saluer ses supporters.
Et c'est l'explosion. Le débordement, les cris, puis les actes. Bagarres, la Meinau en feu, les barres de fer qui se mêlent aux drapeaux brûlés. Les compagnies de C.R.S. appelées en renfort. « Il n'était pas beau, le foot, cette nuit là . Un cauchemar », nous rappelle un commandant, des frissons dans la voix un quart de siècle plus tard.

L'histoire, malheureusement, ne se récrit pas...

Dommage pour qui avait pu mesurer tout le potentiel non exploité. Regrets éternels dans les coeurs des observateurs qui avaient vu les uns et les autres jouer ensemble au volley à  Monaco, déjeuner de concert au « Renard Prêchant » ou aux « Mille Pâtes », avant de s'entre-déchirer.
Combien de titres, de trophées, de victoires, à  tout jamais dilapidées, alors que la cote des bleus de l'Alsace réunie atteignait son paroxysme.
L'histoire, malheureusement, ne se récrit pas.

Image

Plébiscité par les supporteurs strasbourgeois, Gilbert Gress est limogé le 21 septembre 1980. Un des jours les plus sombres de l'histoire du Racing. (Photo archives DNA)
;)
Avatar du membre
silex57
Manager général@Directoire
Manager général@Directoire
Messages : 12131
Enregistré le : 23 août 2005 16:52
Localisation : expatrié à Los Angeles ...

Message par silex57 »

ça fait rêver ... :cry:
"Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort" Nietzsche.
Image
Avatar du membre
argueti
Sélectionneur@InfosRacing
Sélectionneur@InfosRacing
Messages : 37462
Enregistré le : 16 mai 2003 23:27
Localisation : Strasbourg
Contact :

Message par argueti »

L'Alsace a écrit :Cent ans d'histoires au Racing

Le RCS fête cette semaine son centenaire, avec, en point d'orgue, le match de gala contre l'OM ce vendredi (20 h 30) à  la Meinau. Revue de détail des festivités prévues par le club dans une période pas toute rose.

Philippe Ginestet a du mal à  sourire. Les soubresauts de l'affaire Patrick Proisy - Claude Le Roy, les anciens président et manager général-entraîneur mis en examen jeudi pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux dans le dossier des transferts suspects du Racing, tombe mal. L'heure aurait pu être plus réjouissante. « C'est une grande responsabilité et un grand honneur », disait tout de même le président avant-hier, « que d'ouvrir les festivités du centenaire du plus grand club alsacien qui a fait vibrer des milliers de gens. Souhaitons que cette semaine soit une grande semaine d'émotion autour du club. » L'exposition. Réalisée par les différentes sections de supporters du Racing, cette expo, qui balaie les cent ans du club, est ouverte depuis samedi dans les salons Nord de la Meinau. Elle a réclamé quatre mois de travail, dont les deux derniers en totale immersion. La cerise sur le gâteau : la maquette de la Meinau, dans sa configuration actuelle (depuis 1984), dépoussiérée après dix ans d'oubli. « Le club nous a financés », indique Frédéric Kientzler, cheville ouvrière des UB 90, « mais nous n'avons pas récupéré grand-chose chez lui, parce que rien ou presque n'y est conservé. Juste quelques fanions et photos. En fait, nous avons contacté d'anciens joueurs ou des supporters collectionneurs. La maquette est le clou de l'expo. Il nous a fallu une heure pour la déblayer. L'idée, c'est que le Racing, qui a un devoir de mémoire, s'en serve pour créer un musée permanent. » Un message entendu par le président Ginestet : « Nous envisageons de poursuivre l'oeuvre de nos supporters par la création d'un musée. » Jour de fête vendredi. En marge du match sur lequel nous reviendrons, le Racing proposera à  partir de 18 h 30 des animations diverses et variées. Un lever de rideau opposera les quinze ans du Racing à  leurs homologues de Saverne, vainqueurs du tournoi des clubs centenaires. Les champions de France 1979 et quelques autres glorieux anciens seront aussi présentés sur la pelouse. Après la rencontre, un film d'un quart d'heure, retraçant les faits les plus marquants, sera diffusé sur écrans géants, avant qu'un grand spectacle pyrotechnique ne mette un terme à  la soirée. Les places pour cette soirée sont toujours en vente à  la Meinau ou dans les points habituels, aux tarifs de 5, 10, 15 et 20 euros. Les retrouvailles. Un soir de novembre 1980, le président du RCS, André Bord, licencie son entraîneur « mythique » Gilbert Gress, à  la tête de l'équipe qui a décroché en 1979 ce qui reste aujourd'hui le seul titre de champion de France de Division 1. La Meinau s'embrase, au sens propre. Une tout autre époque, celle où l'expression « Ce soir, on vous met le feu » s'appliquait au pied de la lettre. Pendant 25 ans, les deux hommes ne se sont plus adressé la parole. Mais ils se sont retrouvés voici quelques jours, juste avant le centenaire, autour d'une table. Histoire de digérer non seulement un bon repas, mais le contentieux qui les opposait depuis un quart de siècle. « Enormément de personnes, Christian Daniel (ex-journaliste de France 3 Alsace) et Jérôme Christ (président de la SIG) notamment, ont contribué à  ces retrouvailles », témoigne « Schilles ». « On a pu parler de certaines choses. Il y a des regrets par rapport aux événements qui ont pu se passer, principalement celui de n'avoir pas réussi, André Bord, son épouse et moi, simplement demeurer amis, quand l'amitié aurait dû motiver nos actions. »

Documents

Souvenirs à  emporter Le DVD. Réalisé par Laurent Lutaud, avec le financement de la société de production Seppia, le DVD « Racing, une histoire de l'Alsace » (12,90 €, boutique de la Meinau) contient non seulement le film du même titre (70'), mais aussi des bonus sur les grands joueurs, le centre de formation et les mercredis du foot (45'). Il mélange subtilement l'histoire du RCS et celle, indissociable, de la région. « C'était l'idée », souligne Laurent Lutaud, « faire ressortir ce en quoi le Racing témoigne de l'histoire de l'Alsace. On n'y retrouve pas seulement des résultats ou des résumés de matches, mais toute l'histoire de la région, entre ses difficultés et ses contradictions. En 1947 par exemple, le club est exsangue. Mais avec la fin de la guerre, il va puiser sa force dans son identité francophone - qu'il a gardée durant les années d'annexion - en jouant la finale de la Coupe de France. Nous avons aussi déniché des images de l'année 1939-1940 où il s'était installé à  Périgueux. » A noter qu'une version réduite de 52 minutes sera diffusée ce samedi sur France 3 Alsace à  partir de 15 h 50. Le livre. Cadre bancaire, Pierre Perny a édité à  compte d'auteur un bouquin de 350 pages (prix : 35€, en vente à  la boutique de la Meinau) intitulé « Racing 100 ans – De Neudorf à  l'Europe, une histoire alsacienne. » Il avait déjà  écrit en 1982 un premier ouvrage sur la grande histoire du football alsacien de 1920 à  1966. L'auteur s'est inspiré des deux livres d'or sur le club déjà  parus en 1951 et 1976 (pour le 70e anniversaire). « Je les ai complétés en consultant les quotidiens régionaux, français et allemands. Je raconte chronologiquement l'histoire du Racing dans un livre largement illustré, puisqu'une photo – au moins – de chaque effectif, par saison, y figure depuis 1919. Le RCS a une histoire très politique. C'est un club très francophile qui le reste entre 1940 et 1944, s'exile même à  Périgueux et qui, quand il revient, ne pactise pas avec l'occupant. Son palmarès (3 Coupes de France, 3 finales perdues, 3 Coupes de la Ligue - on oublie souvent celle de 1964 - 1 titre de champion de D 1, deux Coupes Gambardella) est aussi étoffé que celui des autres clubs de l'Est réunis. »
Avatar du membre
argueti
Sélectionneur@InfosRacing
Sélectionneur@InfosRacing
Messages : 37462
Enregistré le : 16 mai 2003 23:27
Localisation : Strasbourg
Contact :

Message par argueti »

DNA a écrit :La décennie du gâchis

Du Capitole à  la Roche Tarpéienne il n'y a souvent qu'un pas. Le Racing l'a franchi deux ans seulement après son triomphe de 1979 et la campagne européenne dans la foulée. Il est rattrapé par ses vieux démons. Deux relégations en Division 2 (1986 et 1989) marqueront ces années quatre-vingt au cours desquelles 4 présidents et 13 entraîneurs se succéderont.

Gilbert Gress parti, les rênes du pouvoir sont confiées en cette fin d'année 1980 à  Raymond Hild (48 ans) préféré au prestigieux... Di Stefano. Le citoyen de Weyersheim accepte sans fanfaronner, conscient d'avoir à  assumer un héritage empoisonné. « A l'heure actuelle, je ne succède à  personne. J'assume tout simplement un intérim dont on m'assure qu'il sera court. » Il le sera. Hild démissionnera l'année suivante à  la même époque. Non sans avoir aligné un joli parcours, terminant la saison à  la 7e place et surtout à  un cheveu de la finale de la Coupe de France contre le Saint-Etienne de Platini et Herbin. Didier Six est convoité par Stuttgart, Olivier Rouyer, Félix Lacuesta et Carsten Nielsen arrivent.

Lemerre : « Si mon chapeau connaissait mes pensées... »

Décembre 1981. Il y a bien longtemps que le froid s'est installé en Alsace. Le public de la Meinau n'arrive pas à  se réchauffer aux performances de son équipe. Comme toujours dans ces cas-là , il est urgent de changer d'entraîneur. Le nom de Lucien Muller, l'Alsacien exilé en Espagne, circule et se perd dans les couloirs du stade. La chance de Roger Lemerre, homme à  poigne, au parler vrai, honnête jusqu'au bout des ongles. Cet ancien international, major du stage d'entraîneur, qui se définissait lui-même comme « un ouvrier du football » n'avait encore jamais entraîné au plus haut niveau. Strasbourg lui permet de mettre le pied à  l'étrier. Il sera le 35e entraîneur du club.
Mais problème. Le discours de Roger Lemerre était souvent alambiqué. Contrairement à  ce qu'écrivait alors mon regretté ami et confrère, Michel Kapfer (« Avec Roger Lemerre, pas d'artifices linguistiques, les faux-fuyants, très peu pour lui. Les trajectoires tarabiscotées, il aime encore moins en-dehors que sur le terrain. ») il n'était jamais facile de décrypter sa pensée. Souvenez-vous de l'énigmatique citation jetée en pâture à  la presse chargée de suivre l'équipe de France dont il sera plus tard le sélectionneur : « Si mon chapeau (il faisait souvent sensation avec son béret de chasseur alpin) connaissait mes pensées, je brûlerais mon chapeau. » Même si l'on peut y déceler certaines références à  Jules-César qui soupçonnait sa toge de connaître ses tactiques guerrières, on peut comprendre la perplexité des joueurs. Qui lui éviteront de justesse l'humiliation de la descente en Division 2. La démission suivra fin mai 1983.
Pendant ce temps, Arsène Wenger connaîtra, à  33 ans, sa première promotion comme entraîneur à  Cannes. Raymond Hild apportera sa science du recrutement et de la formation des jeunes au FC Mulhouse.

Pas de miracle pour Sundermann « Wundermann »

Arrive alors sur les bords du Krimmeri un certain Jà¼rgen Sundermann (43 ans), surnommé « Wundermann » pour son incontestable réussite comme entraîneur à  Stuttgart. Aux Kickers et au VFB. Sa chevelure blonde bouclée, ses yeux clairs, sa parfaite aisance dans notre langue, son épouse présentatrice-vedette à  la TV allemande étaient bien connus des téléspectateurs alsaciens habitués des joutes de la Bundesliga. L'homme impressionnait. Restait à  séduire le public de la Meinau.
Sundermann avait été appelé pour éteindre le mythe Gress à  Strasbourg. 18 mois après, c'est tout le contraire. Gress est plus populaire que jamais. Pire, le président Bord est la cible désignée du citoyen de Leonberg qui lui reproche de ne pas l'avoir suffisamment soutenu dans certains conflits avec les joueurs, d'avoir « manqué de psychologie. Le climat était devenu insoutenable ».
Sundermann refuse les propositions de reclassement interne : « Il y a rupture unilatérale de mon contrat de travail. » Exit « Wundermann » qui passe à  la caisse et aux prud'hommes. Le Racing aussi. Comme d'habitude.

« Désolé, pour moi le football n'a jamais été le bagne »

C'est ainsi que le 7 mars 1985, à  la veille du match contre Laval, Jean-Noël Huck est lancé dans le grand bain. « La transition est plus brutale que je ne l'espérais. » Voilà  donc l'artiste du ballon rond relancé dans cette Meinau dont il était devenu la tête de Turc à  ses débuts avant d'enchanter les foules du stade du Ray à  Nice. Le Racing ne pouvait être qu'à  son image. Jeune et spectaculaire, technique et collectif. Las, l'expérience tournera court en décembre de la même année. « Si j'ai été contraint de durcir l'entraînement il y a quelques semaines, c'était pour obéir aux injonctions du président qui n'a cessé de me répéter qu'il fallait leur (les joueurs) en faire baver. Désolé, pour moi, le football n'a jamais été le bagne. »
Jean Wuillaume, le président de la section handball qui a accepté le fauteuil du foot pro, reconnaît que « Huck est le bouc émissaire et que les joueurs sont les seuls coupables ». Mais c'est Francis Piasecki, « l'homme du président », qui est appelé pour redresser la barre. Au club depuis 1977, il est respecté par tous et n'a pas la langue dans sa poche. « Dans le foot pro, j'accepterai toutes les fonctions sauf celle d'entraîneur », avait-il déclaré.
Mais une fois placé devant ses responsabilités, son discours est plus nuancé : « Après avoir mûrement réfléchi, je suis convaincu que le Racing peut encore se sauver. » Il n'y parviendra pas. Il est pourtant conforté dans ses fonctions par Jean Wuillaume. Il y a quelques mois je ne me voyais pas dans ce rôle, mais cela ne m'empêchera pas de passer mes diplômes d'entraîneur. Le métier me plaît. »

Un sphynx à  la Meinau

L'arrivée de Daniel Hechter à  la tête du club en 1986 ne lui offrira pas cette opportunité. A peine débarqué dans la capitale européenne que le couturier parisien procède à  quelques coupes claires. Il suspend Piasecki de ses fonctions. « Il me fallait prendre des décisions rapides », affirme-t-il le 3 septembre 1986 au micro de feu Radio Nuée-Bleue. L'ancien international Jean-Pierre Dogliani, employé du groupe Hechter et éminence grise footballistique du nouveau président, dirigera l'équipe, assisté de Didier Six et Freddy Zix, ce dernier en charge de la préparation physique.
Solution transitoire, bien sûr, avant de sortir un « sphynx » de sa manche. Robert Herbin, le mythique entraîneur des verts de Saint-Etienne. Mais l'investissement personnel de « Robby le Rouge », ainsi dénommé en raison de son impressionnante tignasse rousse, sera insuffisant. Et l'échec cuisant. Malgré un recrutement de qualité avec l'Argentin Simon, l'Allemand Reichert (13 buts) et les débuts prometteurs de José Cobos et Vincent Sattler, ce dernier disparaissant tragiquement dans un accident de voiture deux ans plus tard.

Pita cet inconnu

Il faudra attendre 1988 pour assister enfin au retour de Strasbourg parmi l'élite. Un retour que le couturier-président signe de sa griffe avec des maillots devenus ciel et blanc et les shorts rallongés jusqu'aux genoux, façon rétro.
L'entraîneur aussi n'est plus le même. Herbin ayant regagné son Forez natal, le Franco-Polonais Henry Kasperczak est prêt à  relever le défi de l'accession. Il y parvient avec panache avec l'aide du nouveau canonnier Peter Reichert (15 buts) et du libéro « à  l'ancienne » Juan Simon. Le public retrouve le chemin du stade (25 000 personnes pour le dernier match de la saison) et la prochaine saison en division 1 s'annonce explosive.
Simple feu de paille. Les promesses s'y consument comme l'image du gaucher brésilien Pita, trentenaire inconnu du grand public, recruté (blessé) à  Sao Paulo au prix d'artifices financiers complexes. Un transfert qui éveillera les soupçons de la PJ concernant la gestion du club par Daniel Hechter, ce dernier étant finalement contraint de démissionner en janvier 1990 à  la suite d'un audit financier commandé par la municipalité strasbourgeoise et révélant un passif de près de 90 millions de francs.

Les barrages de Specht

Oublié l'intermède en division 1. Le Racing, de nouveau relégué, attaque la saison 1989-90 presque entièrement relooké. Avec de sérieux atouts offensifs dans ses rangs : Didier Monczuk et Youri Djorkaeff (45 buts à  eux deux cette saison). Malgré cela, l'entraîneur Gérard Banide choisit la fuite (lire page 3), laissant à  Léonard Specht le soin d'amener le bateau à  bon port. Pour avoir été successivement l'adjoint de Kasperczak et de Banide, Albert Gemmrich, l'autre héros de la campagne du titre, avait pu mesurer la fragilité de la fonction d'entraîneur en chef. Il suivra finalement une voie plus classique dans la vie professionnelle.
Léonard Specht, lui, persiste. Avec raison. Par deux fois il n'échouera qu'aux barrages pour la remontée. Sa méthode est la bonne. Pas pour tout le monde cependant. Le nouveau tandem présidentiel, Jacky Kientz - Emile Stahl est persuadé que seul le retour de Gilbert Gress peut réveiller la Meinau. La suite lui donnera raison. Un an plus tard, Gress réussira à  forcer les portes de ces barrages sur lesquels son prédécesseur s'était, par deux fois, cassé les dents. Le mythe était toujours vivant.

Image

Pita ou le Racing dépité. (Photo DNA-Bernard Meyer)

« Trop de querelles de personnes »

« Les années quatre-vingt ? Ouille, ouille ! Tu ne préférerais pas que l'on parle de l'époque précédente ? » Pour Léonard Specht, viscéralement attaché au Racing avec lequel il a tout connu, cette période sombre de l'histoire du club ne se raconte pas de gaieté de coeur.

Avec ses quatre titres de champion de France (un avec le Racing, trois avec Bordeaux), ses 477 matches en première division (21 buts), ses 18 sélections en équipe de France (un but), Léonard Specht, natif de Mommenheim (1954), allait devenir une figure emblématique du Racing avec lequel il a conquis le premier et unique titre national en 1979.
Trois ans après, il saisira « l'opportunité » de la proposition bordelaise, le navire alsacien prenant l'eau de toutes parts. « La situation était devenue très mouvementée à  la tête du club et instable sportivement après le départ de Gress. On avait quand même réussi à  nous maintenir, mais très vite les querelles de personnes ont pris le dessus. Un club est toujours à  l'image de son président. Et dire que pour la première fois nous avions atteint ce qui se fait de mieux. Le sommet du football français. »

« J'en ai marre, ils vont finir par me lancer des tomates, je pars »

Mais Léonard Specht n'a jamais véritablement coupé les ponts avec le Racing. Parti en 1982 à  Bordeaux, il y reviendra en 1987 à  l'appel de Daniel Hechter pour prendre la direction du centre de formation après une dernière pige de deux ans avec les pros. Les bleus retrouvent l'élite sous la houlette de Henry Kasperczak, « débarqué » quand même le 23 septembre 1988, « parce que le courant ne passait plus avec les joueurs », selon Daniel Hechter.
Gérard Banide arrive aux affaires après un court intermède Dogliani. Episode rocambolesque resté dans (presque) toutes les mémoires. Specht (qui lui succédera) s'en amuse encore en l'évoquant. « Il n'est resté que quelques mois. Les résultats ne suivaient pas. Un jour il va voir le président, lui dit : "Ecoute, j'en ai marre. Dans deux mois, il va faire froid ici et bientôt on va me lancer des tomates. Je pars." Il a pris ses tableaux, rangé son bureau et est parti. On ne l'a jamais revu. »
Daniel Hechter offre une promotion à  Léonard Specht qui accepte après avoir « réfléchi pendant une semaine ». « Il y avait beaucoup de conflits entre joueurs. » Re-relégation. Deux nouvelles saisons au purgatoire mais avec deux barrages d'accession consécutifs à  la clé. Dont celui contre Nice (3-1, 0-6) en 1990. Folklorique.
« Le 16 avril, jour de mon anniversaire, le président Jacky Kientz me convoque pour me dire que Gilbert Gress avait signé pour me succéder. Certains joueurs, sachant que de toute façon tout serait chamboulé la saison suivante, sont allés voir Roland Ries à  la mairie pour ne pas jouer le match retour à  Nice. Ils voulaient tout simplement déclarer forfait ! Après un quart d'heure de jeu on était menés 4-0 ! Un cauchemar. »

« La nécessité d'un grand stade »

Il s'en amuse aujourd'hui, mais Léonard Specht avoue que toutes ces épreuves ont forgé une expérience de vie sans égale. Qui l'aide dans ses fonctions de directeur des ressources humaines chez Lohr Industrie, entreprise qu'il a intégrée le 1er janvier 1996. Tout en gardant un oeil sur ce Racing dont il mesure aujourd'hui « la chance de posséder un public jeune et fidèle, un président qui assume ses responsabilités. Cependant, un club ne peut pas avoir d'avenir sans un grand projet motivant. Il est impératif de se doter d'un stade d'une capacité d'au moins 50 000 places pour espérer devenir un grand club européen. Dans tout l'Est de la France il n'y a aucune infrastructure du genre. Ce serait une chance pour Strasbourg. »

Image

Léonard Specht, champion de France en 1979 puis entraîneur du Racing, dix ans plus tard. Une figure emblématique du club. (Photo DNA)

« Ma seule erreur de recrutement, c'est celle du président... »

Quelques mois seulement se sont écoulés depuis les derniers frissons européens que déjà  des inquiétudes se font jour (cf DNA d'hier) . Dans la Sportschule de Grà¼nberg, petit village allemand où le Racing établit ses quartiers de préparation en vue de la nouvelle saison, l'ambiance est pesante en ce mois de juillet 1980. Gress n'affiche plus la même sérénité. Il est même hermétique à  toute discussion avec la presse. « Je n'ai pas le droit de faire de déclaration, c'est marqué dans mon contrat. » Raymond Hild, son fidèle adjoint et confident, joue les médiateurs et le persuade de sortir de son mutisme. Il n'a pas à  eu à  insister beaucoup. Car Gress a un besoin impérieux de parler. De se vider.

Plus qu'il n'en faut

Depuis quelques semaines le torchon brûle avec le président Bord qu'il accuse d'ingérence technique. « C'est presque dans la rue que j'ai appris la décision de Jouve de se reconvertir. » Plus qu'il n'en faut pour exaspérer le technicien alsacien sérieusement confronté à  une pénurie d'attaquants. Gemmrich est parti à  Bordeaux, l'Allemand Janzon est resté au Bayern, Bianchi va résilier son contrat. La chance de l'Israélien Vicky Peretz qui peut signer pour trois ans.

Pour faute professionnelle grave

Le bras de fer est engagé avec le président. « Je vais peut-être me faire virer dans deux mois. » Prémonitoire ou issue inéluctable ? « Je pensais pouvoir rester bien avec Bord, mais je me suis trompé. La seule erreur de recrutement que j'ai faite, c'est celle du président. » Pourquoi, c'est vous qui l'avez choisi ? « Oui, bien sûr ! » Peu après cet entretien dans les DNA, Gress est licencié pour faute professionnelle grave. Un secret pas vraiment bien gardé puisque le match contre Nantes, le 23 septembre à  la Meinau (perdu 2-1), scellera définitivement son sort.
Dernière provocation : un salut à  la foule en fin de match en guise d'adieu. La Meinau a compris. Les tribunes s'embrasent. « Bord démission ! » Mais c'est Gress qui part. « Un jour je reviendrai. » Il reviendra.

De 1980 à  1990: 4 présidents et 13 entraîneurs

Les présidents

André Bord (1979 - 1985)
Jean Wuillaume (1985 - 1986)
Daniel Hechter (1986 - 1990)
Jacky Kientz (1990 - 1992)

Les entraîneurs

Gilbert Gress (1977 - déc. 1980 et 1991 - 1994)
Raymond Hild (1980 - déc. 1981)
Roger Lemerre (déc. 1981 - 1983)
Jà¼rgen Sundermann (1983 - mars 1985)
Jean-Noël Huck (mars 1985 - déc. 1985)
Francis Piasecki (déc. 1985 - sept. 86)
Didier Six (sept. 1986 interim)
Robert Herbin (sept. 1986 - 1987)
Henry Kasperczak (1987 - 1988)
Jean-Pierre Dogliani (1988 interim)
Gérard Banide (sept. 1988 - sept. 1989)
Albert Gemmrich (sept. 1989 interim)
Léonard Specht (sept. 1989 - 1991)

Claude J. Eckert
Avatar du membre
D520
Trésorier@Directoire
Trésorier@Directoire
Messages : 6958
Enregistré le : 20 févr. 2005 0:00
Localisation : Gingsheim

Message par D520 »

Specht qui parle d'un stade de 50000 places, il exagère pas lui :?: ;)
on est en L2 avec 13-14000 spectateurs de moyenne je crois ;)
Avatar du membre
D520
Trésorier@Directoire
Trésorier@Directoire
Messages : 6958
Enregistré le : 20 févr. 2005 0:00
Localisation : Gingsheim

Message par D520 »

Dont celui contre Nice (3-1, 0-6) en 1990. Folklorique.
« Le 16 avril, jour de mon anniversaire, le président Jacky Kientz me convoque pour me dire que Gilbert Gress avait signé pour me succéder. Certains joueurs, sachant que de toute façon tout serait chamboulé la saison suivante, sont allés voir Roland Ries à  la mairie pour ne pas jouer le match retour à  Nice. Ils voulaient tout simplement déclarer forfait ! Après un quart d'heure de jeu on était menés 4-0 ! Un cauchemar. »

ca y est , enfin je comprend pourquoi on a pris une branlée à  Nice alors qu'on avait gagné 3-1 le match aller !!!!! ;)
Répondre