DNA a écrit :
« On revient de loin »
En terminant l'année à  la deuxième place, grâce à  sa victoire acquise aux dépens de Boulogne (1-0), lundi soir, le Racing se ménage des fêtes paisibles. Jean-Marc Furlan revient sur cette première moitié de saison. Avec confiance, l'entraîneur alsacien aborde la suite et évoque les chantiers des prochains mois. En premier lieu, celui du recrutement.
- En abordant la trêve à  la deuxième place, avec trente-trois points au compteur, vous parliez lundi soir de « vrai exploit. » Le terme n'est-il pas excessif, au regard des ambitions affichées ?
- Je suis dans le milieu du football professionnel depuis l'âge de quinze ans. De par ma propre expérience, et à  travers celles d'autres personnes, j'ai compris que seule la stabilité, la quiétude, le sang-froid paient. A Strasbourg, on est en partie parvenu à  s'inscrire dans cette logique-là . C'est-à -dire que le président n'a pas tout chamboulé après l'issue désastreuse de la saison écoulée (onze revers de rang et une relégation en L 2).
 Le premier "exploit" relève d'abord de la gestion économique. Notre situation est bien plus appréciable qu'il y a trois ans, lors de la dernière descente. A l'intersaison, on a "changé" dix-huit joueurs. Les ventes ont permis de récupérer 12 millions d'euros. On est largement au-dessus des prévisions. Quant au recrutement (*), il a été modéré.
 En termes de budget, nous sommes dans les clous. Mais sportivement, on est reparti de zéro. En accordant notre confiance aux jeunes, nous étions attendus au tournant. Beaucoup nous prédisaient une saison dans le ventre mou. Deuxième à  Noël, ça peut donc être considéré comme un exploit. On revient en tout cas de loin.
- Le « traumatisme » de la relégation que vous évoquiez cet été est-il désormais effacé ?
- On ne peut pas oublier ce qui c'est passé. J'en est encore discuté récemment avec Gérard Houiller. Il m'a demandé comment j'avais réussi à  reprendre confiance après le dénouement de la dernière saison. Je lui ai répondu que j'étais toujours dans le doute. Le stress et l'anxiété sont permanents.
 Mais dès la reprise de l'entraînement, les jeunes m'ont transmis leur joie de vivre. Et puis on a remporté ce premier match contre Montpellier (1-0), qui était venu pour « nous tuer », comme disait Courbis. Tout est parti de là . On a enchaîné les victoires. Les gars se sont pris au jeu.
- Après cette entame tonitruante - cinq succès de rang - comment expliquez-vous le trou d'air traversé à  partir de la mi-octobre, avec une seule victoire en huit matches ?
- Quand vous perdez six joueurs sur blessure, dont quelques tauliers, tout devient plus compliqué. Il ne faut pas chercher plus loin. On l'a bien vu lundi. Les rentrées de Bah et de Gargorov nous ont fait un bien fou. Après la trêve, des garçons aussi importants que Shereni, Marcos ou Pelé seront à  nouveau sur pied. Si on avait connu le même passage à  vide avec tout ce monde sur le pré, il y aurait de quoi être inquiet.
- Au-delà  des absences, le licenciement de Chahir Belghazouani, fin octobre, n'a-t-il pas marqué le début des ennuis ? N'aurait-il pas mérité une seconde chance ?
- Le coup d'arrêt, on le subit à  Metz (3-2), bien après le départ de Chahir. C'est un bon joueur, il aura une seconde chance dans un autre club. Mais au Racing, ça n'était pas possible. Je réagis aujourd'hui de la même façon qu'il y a deux mois. En insistant sur l'éthique et l'idéologie, on a voulu montrer la force de l'institution. L'individu doit se mettre à  la disposition de celle-ci, et non l'inverse. Le fait que ce soit un joueur prêté change aussi la donne. Si ça avait été un jeune formé en notre sein qui en était à  sa première incartade, on aurait pu fermer les yeux. Là , non.
- Avant l'échéance contre Boulogne, vous cherchiez à  dédramatiser la situation. On vous imagine soulagé après cette victoire...
- D'un point de vue psychologique, ce match ressemblait à  celui de Montpellier. Nous sommes sur le podium depuis la deuxième journée, il était fondamental d'y rester. Ce succès valide et confirme nos compétences. Evidemment, nous ne sommes pas en Ligue 1 pour autant. Qui peut dire que les chances de Metz, aujourd'hui sixième, sont galvaudées ?
 Ce que je retiens aussi de cette soirée, c'est la fraîcheur que nous a apporté le public. Il y avait beaucoup d'enfants, dépourvus de tout regard cynique ou négatif. Ils nous ont communiqué leur enthousiasme.
 De manière générale, j'apprécie que les gens manifestent un vrai intérêt pour revenir à  la Meinau. Ils ne sont pas toujours servis en termes de spectacle, mais il y a souvent de l'émotion. Nous sommes à  l'aise chez nous. C'est essentiel d'être la meilleure équipe à  domicile, d'autant que nous n'affichons pas la même sérénité à  l'extérieur.
- Si le spectacle fait défaut, c'est que les attaquants ne sont plus très efficaces, non ?
- Sur le poste d'avant-centre, il y a un souci. On le sait, on l'a encore vu lundi. Ce que montre Traoré est insuffisant. Ça ne date pas d'hier. S'il a été aligné contre Boulogne, c'était pour aller au bout du raisonnement et lui donner toutes ses chances. On ne peut pas dire qu'il n'a pas eu de temps de jeu. Pour l'instant, nous sommes en situation d'échec. Pourtant, on se crée des occasions.
- L'arrivée de Kébé peut-elle pallier ce manque ?
- Boubacar est un joueur d'avenir, il a fait une apparition prometteuse mais a encore plein de choses à  prouver. En outre, il est plus à  l'aise dans un rôle de soutien, en dix ou en neuf et demi. La priorité va évidemment au couloir gauche. Le profil de Monterrubio nous intéresse, mais on est confronté à  un problème économique. J'ai aussi contacté Sébastien Grax (Saint-Etienne), un joueur fédérateur que j'ai dirigé à  Troyes. On pourrait envisager un prêt.
 Pour ce qui est de l'avant-centre, on suit le Clermontois Mickaël Poté. Il va vite, il est fort de la tête. C'est un joueur qui a le statut de la L 1. Le recrutement hivernal doit justement permettre de se projeter vers la montée, contrairement à  ce qui a pu être fait voilà  deux ans (arrivées de M'Bodji, Yachir et Joao Paulo).
 A contrario, des joueurs ont-ils des bons de sortie ?
- Avec Abou, on va trouver une solution. On réfléchit aussi pour Ali Mathlouthi, un joueur qui ne démérite pas mais qui doit gagner en temps de jeu. Après, il peut y avoir une surprise. Si on se renforce, Traoré acceptera-t-il la concurrence ?
- Dans la lutte, indécise, qui se profile d'ici à  mai prochain, quelles sont les points à  améliorer ?
- Sur le plan athlétique, nous sommes dans les "relégables." Je ne parle pas de l'impact, où nous répondons présent. Question poids et taille, nous comptons en revanche parmi les plus faibles. En termes de maturité, il faut aussi progresser. L'équipe n'est ni assez maligne, ni assez expérimentée. Les retours de Pelé et Shereni, garçons solides et fiables, devraient nous soulager.
- Quels sont, au contraire, les éléments qui vous font penser pouvoir rester sur le podium fin mai ?
- L'état d'esprit du groupe constitue une bonne garantie. Les gars s'aiment bien, sont solidaires et consentent à  faire de gros efforts. Je suis aussi certain de notre talent offensif, par rapport à  l'animation du jeu, qu'aucune autre équipe n'a dans ce Championnat. Avec le retour des blessés et l'apport d'un leader d'attaque, on peut changer la physionomie de la seconde partie de saison.
Propos recueillis
par Sébastien Keller