L'Alsace a écrit :Un club d’amateurs
Auditionné hier matin par la DNCG (1) à Paris, le président Jafar Hilali lui a confirmé sa volonté d’abandonner le statut pro et de quitter le RCS. L’organe de contrôle financier lui a laissé jusqu’à ce midi pour effectuer une marche arrière que seule la vente du club pourrait enclencher.
Jafar Hilali ne rit plus. Loin d’afficher l’air bravache qui éclairait son visage à chacune de ses – rares – apparitions publiques en un an et demi à la tête du Racing (2), l’homme d’affaires londonien avait la mine un peu contrite hier matin lors de son audition devant la DNCG. Attendu sur place par nos confrères de « France 3 Alsace » (3), celui qui, il y a un an, s’était présenté devant les membres de l’organe de contrôle financier de la Ligue comme « le Mozart de la finance » était en panne d’inspiration.
Depuis un an, Hilali pilote un avion dont il a coupé les moteurs, par défi sans doute. Alors que le crash est imminent, il aimerait descendre. Mais il est probablement trop tard. En se montrant inflexible ( « J’ai fait une mise à prix à dix millions, pas un euro de moins, pas un euro de plus », avait-il déclaré dans « L’Équipe » le 29 avril), en multipliant depuis des mois les attaques contre l’environnement alsacien, il a jeté tous ses parachutes par le hublot.
Il a même fini par se mettre à dos les instances du football national par ses initiatives incompréhensibles dont il devra prochainement répondre devant le conseil national de l’éthique (voir par ailleurs). Alors que le Racing coule et qu’il a balancé tout le monde ou presque par-dessus bord, à commencer par une bonne moitié des salariés, il se retrouve seul.
Hier, devant les caméras de « France 3 », il est apparu résigné, même si le naturel est parfois revenu au galop. « J’en ai assez. On va quitter le club dès que quelqu’un se manifestera. Beaucoup de gens attendent la DNCG en pensant négocier le prix. On ne négociera rien du tout. On attend des offres fermes. »
A priori, ces offres fermes n’arriveront pas. Pourtant, depuis quinze jours, le propriétaire du Racing a personnellement fait de la retape sur le site internet du club pour garantir qu’on se bousculait au portillon pour reprendre un club agonisant. Le 1 er juin, il y a même publié la liste des sept repreneurs potentiels. Mais aucun n’a formalisé une proposition. Pire, certains annoncent avoir jeté l’éponge (voir ci-dessous).
Le professionnalisme meurt à 78 ans
Ce jeudi devant la DNCG, J. Hilali, accompagné de son fidèle et discipliné lieutenant, le directeur général Christophe Cornelie, a officialisé l’abandon du statut professionnel en 2011-2012. Le gendarme financier de la Ligue lui a toutefois donné jusqu’à ce midi pour faire machine arrière. Faute de quoi, l’acte de décès du professionnalisme à Strasbourg sera officiellement délivré à l’âge de 78 ans (depuis 1933 pour un club né en 1906). Le dossier du RCS sera alors transmis à la commission fédérale de contrôle des clubs. En clair, la DNCG de la Fédération.
Jamais disposé, jusqu’ici, à transiger, le probable dernier président de l’ère professionnelle invite encore les candidats acquéreurs - du moins ceux qui restent - à lui adresser une offre ferme avant ce midi. « Inconcevable », témoigne un proche du dossier. Hilali va même jusqu’à prétendre que la situation du RCS n’a rien de catastrophique. « Si Carousel Finance SA (sa société, propriétaire du club) abandonne 3,4 millions de compte courant […], les comptes seront à l’équilibre. Le club n’aura plus de dettes. Il n’y aura pas de déficit. Les finances seront saines. »
Plus d’entraîneur, ni de joueurs, ni de club ?
Plus de dettes ? Quid des litiges aux Prud’hommes dont les premiers verdicts tomberont début septembre ? Le RCS est le premier à admettre que 3,794 millions d’euros (hors dossier José Luis Chilavert, le gardien paraguayen qui réclame à lui seul près de 8 millions) n’ont pas été provisionnés. Quid, aussi, d’un secteur sportif en charpie, avec le départ de l’entraîneur Laurent Fournier à Auxerre et, surtout, des joueurs sous contrat, professionnels ou en formation ? Car l’abandon du statut pro les libère tous sans exception en même temps qu’il scelle la mort du centre.
Aujourd’hui, Hilali, qui n’a pas cédé un pouce de terrain depuis des mois et a découragé tous les repreneurs potentiels par son obstination, ouvre la porte. Sans doute pour ne pas être accusé ultérieurement d’avoir fait sciemment capoter la vente et envoyé le club par le fond. Mais au fond justement, personne n’est dupe et tout le monde sait qui est l’unique auteur de cette chronique d’une mort annoncée.
« Pas un centime de plus »
Hier matin, Jafar Hilali a acté devant la DNCG sa volonté de ne pas garder le contrôle du club la saison prochaine. Ça n’augure
évidemment rien de bon dans tous les cas de figure. Le club file tout droit vers sa disparition. « Je ne remettrai plus un centime. Il n’est pas du tout dans notre souhait de faire disparaître le club. On est disposé à tout laisser. Mais il faut des gens sérieux en face. J’ai fait un trait sur ce club. Nous nous sommes beaucoup investis et je ne veux plus m’investir. Contractuellement, je me suis engagé auprès de la DNCG jusqu’à la fin de cette saison, pas plus. On a compris que tout le monde voulait qu’on parte. »
LA PHRASE
« Après avoir mis sept millions d’euros et sauvé un club, on nous demande de partir comme des voleurs. Donc, on part. Mais on
partira dans les règles. On négocie, mais on ne brade pas. » De Jafar Hilali hier au micro de « France 3 Alsace » qui a donc sauvé un club en demandant le retour dans le monde amateur après 78 ans de professionnalisme et en pronostiquant une prochaine rétrogradation administrative en CFA.
Pignatelli veut ses 250000 euros
On ne l’entend plus depuis des mois. Probablement parce qu’après son éviction de toutes les structures décisionnaires du Racing, il n’a plus voix au chapitre. Mais Dominique Pignatelli n’en possède pas moins toujours 9,36 % du capital du club et 1,126 million de compte courant qu’il n’a pas abandonné. Sur ce total, il a injecté 250000 euros le 5 juin 2006. « Une somme qui devait être bloquée pour cinq ans », détaille le PDG d’Intergraphic. « Aujourd’hui, les cinq ans sont passés. J’ai mandaté mon avocat Damien Wedrychowski pour en exiger le remboursement dans une lettre à Christophe Cornelie, le président d’EuroRacing, la holding de tutelle à laquelle j’ai donné ces 250000 euros. Je ne me fais aucune illusion, mais je suis curieux de voir la réponse de Cornelie. Je me sens dans mon droit de réclamer cette somme à un actionnaire majoritaire qui m’a révoqué, attaqué en justice et ne m’a pas associé, ni les autres actionnaires minoritaires non plus, aux décisions. »
(1) Direction nationale du contrôle de gestion.
(2) Il n’a officiellement pris la présidence que le 10 novembre 2010, mais a toujours été l’homme qui tirait les ficelles.
(3) Toutes les déclarations de Jafar Hilali sont extraites de l’interview accordée à la télé régionale que « L’Alsace » remercie.